Le témoin figure sur la liste des personnes recherchées pour génocide par les autorités rwandaises.
Charles Nkurunziza a fait des études de droit en France et il est rentré au Rwanda en 1973 où il a occupé des postes de responsabilité dans les domaines de l'administration et de la justice. Il a notamment été préfet de Butare, (sud du Rwanda) en 1977, puis ministre de la justice de 1977 à 1984. Avant de quitter le Rwanda en juillet 1994, il venait D'être nommé président de la cour constitutionnelle. Dans les années 1990, il était Sécrétaire général du gouvernement.
Charles Nkurunziza a déclaré que l'appareil de l'Etat était paralysé après l'attentat contre l'avion du président Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994 et qu'il était difficile D'entreprendre une action importante. "Le gouvernement (intérimaire) était assiégé; dès son investiture, la première chose était de préparer la fuite. Il était impossible de mener une action gouvernementale concrète", a affirmé le témoin qui s'exprimait tantôt dans sa langue maternelle, le kinyarwanda, tantôt en français. La chambre lui a instruit de déposer en français seulement, expliquant que passer D'une langue à l'autre crée la confusion.
Le gouvernement intérimaire a prêté serment le 9 avril 1994, avant de prendre la fuite vers Gitarama le 12 avril. Le témoin a indiqué avoir participé aux réunions du gouvernement intérimaire du 16, 17, 27 et 28 avril 1994. Il a expliqué que Ntagerura n'avait pas participé aux réunions du 27 et du 28, parce qu'"il était en mission à l'étranger".
Evoquant une réunion du gouvernement tenue le 11 avril 1994, le témoin a rapporté que le gouvernement avait lancé un appel pour la paix. Les préfets avaient été convoqués à cette réunion et ordre leur avait été donné D'arrêter les troubles dans leurs régions respectives, a appris le témoin.
Le parquet allègue que "le ou vers le 11 avril 1994", Ntagerura et ses co-accusés auraient sélectionné, à partir des listes pré-établies, des Tutsis réfugiés à la cathédrale de Cyangugu puis conduits au stade Kamarampaka, pour les exécuter dans un endroit appelé Gatandara.
André Ntagerura est co-accusé avec l'ancien préfet de Cyangugu, Emmanuel Bagambiki, et l'ancien commandant du camp militaire de Karambo à Cyangugu, le lieutenant Samuel Imanishimwe. Les trois plaident non coupables aux accusations de génocide anti-tutsi et de massacres D'opposants au cours desquels un million de personnes ont trouvé la mort en trois mois.
Charles Nkurunziza a déclaré que "Ntagerura a été arrêté injustement". "J'ai accepté de venir témoigner, alors que je suis recherché, pour apporter ma contribution à la justice, pour éclairer le Tribunal", a-t-il dit.
Expliquant la genèse des massacres au Rwanda, Charles Nkurunziza a indiqué qu'à chaque fois qu'il y avait un conflit entre Hutus et Tutsis, ces derniers provoquaient des troubles, amenant les premiers à réagir. "C'est ce qui s'est passé en 59 et en 94", a-t-il affirmé, évoquant les dignitaires hutus assassinés avant l'éclatement des massacres. Le témoin a notament cité l'ancien ministre des travaux publics , Félicien Gatabazi, assassiné au mois de février 1994. "La mort du président Habyarimana a été comme une goutte qui a fait déborder la vase", a-t-il indiqué.
Le procès du groupe Cyangugu se déroule devant la troisième chambre de première instance du TPIR présidée par le juge George Williams de Saint-Kitts et Nevis, et comprenant par ailleurs les juges, russe Yakov Ostrovsky, et slovène Pavel Dolenc.
Entamé mardi, le contre-interrogatoire du témoin va se poursuivre mercredi.
GA/AT/GF/FH (CY-0528a)