Elisaphan Ntakirutimana, 78 ans, était pasteur à l'église adventiste de Mugonero (province Kibuye, ouest du Rwanda) et son fils Gérard Ntakirutimana, 45 ans, médecin à cet endroit. Ils sont poursuivis conjointement pour des massacres de Tutsis à Mugonero et dans les collines avoisinantes de Bisesero. Ils plaident non coupables. Le parquet allègue qu'environ six mille Tutsis ont été tués au complexe adventiste de Mugonero en 1994.
Le vingtième témoin de la défense a indiqué qu'il a fui le Rwanda en 1995, sur conseil D'un soldat. Le témoin a déclaré qu'il a assisté à des réunions publiques au cours desquelles les autorités appelaient des gens à témoigner contre D'autres. "Les listes des gens à accuser étaient élaborées dans des réunions", a-t-il dit. De telles réunions ont été organisées à Kibuye en 1994 et 1995, selon lui.
Le témoin a ajouté que certaines personnalités officielles en provenance de Kigali sont venues à Kibuye tenir des réunions secrètes avec des rescapés du génocide. "Après qu'ils aient bu de la bière, des participants à ces réunions nous menaçaient et nous parlaient de leurs plans", a-t-expliqué. Parmi les personnalités qui auraient participé à ces réunions le témoin a cité l'ancien responsable de la principale association de survivants du génocide Ibuka, Josué Kayijaho, ainsi que le frère de ce dernier, également membre fondateur D'Ibuka, Assiel Kabera. Kabera, à un moment donné, a été nommé préfet de Kibuye.
A une occasion, un homme qui avait bu aurait déclaré au témoin : "Si vous ne me donnez pas de l'argent, je vais vous réserver le même traitement que celui que je vais réserver au vieil homme". Le témoin a dit que par "vieil homme", il voulait parler du pasteur Ntakirutimana.
Lors de sa déclaration liminaire à l'ouverture du procès des Ntakirutimana, la défense a soutenu qu'il existait un "syndicat de délateurs" entretenu par Ibuka et visant à accuser faussement les Hutus de crimes de génocide.
Le procès se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR présidée par le juge norvégien Erik Mose et comprenant en outre les juges, sud-africaine Navanethem Pillay et sénégalaise, Andrésie Vaz. La déposition de ce témoin se poursuit mardi. Il sera contre-interrogé par le parquet.
Elisaphan Ntakirutimana est défendu par l'avocat américain Me Ramsey Clark, Gérard Ntakirutimana par un confrère canadien, Me David Jacobs. Le parquet est représenté dans cette affaire par le Nigérian Charles Adeogun-Philips, le Tanzanien Wallace Kapaya et l'Américaine Boi-Tia Stevens.
GG/AT/GF/FH (NT-0429A )