En contre-interrogeant le trente-neuvième témoin de l'accusation dans le procès des anciens responsables des "médias de la haine", l'avocat béninois, Me Alfred Pognon, co-conseil de Barayagwiza, a soutenu que le parti CDR "reposait sur des principes démocratiques clairement énoncés" dans ses statuts, et n'était nullement radical. Le témoin a répondu : "si vous parvenez à me citer un Tutsi là-dedans, je reconnaîtrais que ce parti était multi-ethnique". Me Pognon a alors cité sept personnes ressortissantes de différentes provinces du Rwanda, "responsables à divers niveaux de la CDR et qui étaient Tutsis". Le témoin a rétorqué : "c'est à vérifier". Me Pognon a affirmé qu'en lançant une telle accusation contre la CDR, le témoin avait "tout simplement voulu faire plaisir au bureau du procureur".
Dénommé "X" pour protéger son anonymat, le témoin est un ancien membre de la milice Interahamwe affiliée à l'ex-parti présidentiel rwandais, le MRND, qui a accepté de déposer à charge en échange de mesures de protection. ll témoigne par vidéo-conférence à partir de la Haye.
Jean-Bosco Barayagwiza est coaccusé avec l'ancien promoteur de la RTLM, Ferdinand Nahimana, ainsi que l'ancien directeur et rédacteur en chef de la
revue Kangura, Hassan Ngeze.
Distinguer le commérage du témoignage.
Le témoin a également indiqué que Barayagwiza "était considéré comme secrétaire général du parti CDR". "Moi J'ai toujours crû qu'il était secrétaire général du parti" CDR , a dit M.X, se basant sur le fait que "tout le monde à Kigali prenait Barayagwiza pour le secrétaire général du parti". l'avocat béninois a relevé que ce poste était occupé par un certain Jean-Baptiste Mugimba, considérant de ce fait que M.X ne savait pas "distinguer ce qui est commérage de ce qui est témoignage".
Me Pognon a également constesté la déclaration de M.X selon laquelle Jean-Bosco Barayagwiza se serait séparé de sa "maîtresse" tutsie pour donner l'exemple aux membres de la CDR. l'avocat a indiqué : "Ce sont les événements de 1994 qui les ont séparés, et jamais une volonté déclarée de l'un ou de l'autre". Dans le passé, un autre témoin de l'accusation avait allégué cette séparation, et Barayagwiza avait réagi en demandant au Tribunal de cesser de "torturer moralement" son épouse et ses trois enfants.
Barayagwiza boycotte le procès des médias depuis son ouverture sur le fond en octobre 2000, arguant que le TPIR est manipulé par le gouvernement rwandais. La déposition de X se poursuit mardi matin. Le témoin suivant sera l'ancien présentateur italo-belge à la RTLM, Georges Ruggiu. Celui-ci a été condamné à douze ans D'emprisonnement par le TPIR, après avoir plaidé coupable pour incitation à commettre le génocide et persécution entendue comme crime contre l'humanité.
Le procès des médias se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR présidée par la juge sud-africaine Navanethem Pillay et comprenant en outre les juges, norvégien Erik Mose et sri-lankais Asoka de Zoysa Gunawardana.
AT/GF/FH(ME-0225A)