09.10.2000 - TPIR/CYANGUGU - l'EX-PREFET BAGAMBIKI AURAIT TROMPE LES TUTSIS AVANT LEUR MASSACRE

Arusha 9 octobre 2000 (FH) - l'ex-préfet de Cyangugu (sud-ouest du Rwanda), Emmanuel Bagambiki, aurait trompé les réfugiés tutsis avant leur mise à mort, a affirmé un témoin entendu lundi par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Désigné sous le pseudonyme "LAC" pour protéger son anonymat, le troisième témoin à charge dans ce procès du "groupe Cyangugu" a indiqué que le 12 avril 1994, Bagambiki est passé au terrain de football de Gashirabwoba en commune Gisuma, où s'étaient rassemblés plus de trois mille Tutsis et leur a promis des militaires pour les protéger.

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"Après une heure environ, les militaires sont venus, et nous ont encerclés. [...] Ils nous ont demandé de mettre les bras en l'air, et ils ont commencé à nous lancer des grenades, en même temps qu'une fusillade nourrie s'abattait sur la foule. Beaucoup de gens ont été massacrés", a rapporté le témoin "LAC".

Le témoin a ajouté qu'au bout de trente minutes de fusillade, les militaires ont commencé à piller les biens des victimes, avant de les laisser à la merci des miliciens Interahamwe qui achevaient les personnes agonisantes et pillaient à leur tour tout ce qu'ils trouvaient sur place.

Selon le témoin, bon nombre de ces miliciens faisaient partie du personnel de l'usine à thé de Shagasha en commune Gisuma, dont environ quarante miliciens qui venaient D'être engagés pour remplacer les Tutsis licenciés par le directeur de l'usine. "Ces miliciens faisaient des entraînements [de tuer] à l'usine même", a-t-il dit.

Le témoin a par ailleurs signalé que la veille de l'attaque, le préfet Bagambiki était arrivé à Gashirabwoba en compagnie D'un de ses coaccusés, le lieutenant Samuel Imanishimwe, alors commandant de la garnison militaire de Cyangugu.

"Bagambiki avait une liste, et a appelé un certain Côme Simugomwa, et un commerçant prénommé Ephrem", a affirmé le témoin "LAC". "Simugomwa a été invité à monter dans un véhicule tandis qu'Ephrem n'a pas été trouvé sur place. Bagambiki a dit qu'il amenait cet homme au vieux Michel Busunyu de Gaseke en commune Karengera, qui avait besoin de lui pour discuter de leurs partis politiques respectifs", a poursuivi le témoin.

"Busunyu était du MRND [ex-parti présidentiel], tandis que Simugomwa était du Parti Libéral(PL), un parti D'opposition, a précisé le témoin. "Simugomwa ne sera plus revu, et on apprendra qu'il avait été abattu par balles. Son corps a été exhumé en avril 1995, et enterré dans la dignité", a-t-il ajouté.

Le témoin "LAC", qui a reconnu Bagambiki et son troisième coaccusé, l'ex-ministre des transports, André Ntagerura, n'a pas toutefois identifié l'ancien commandant Imanishimwe, expliquant qu'il ne l'avait aperçu qu'une seule fois dans sa vie.

Au cours du contre-interrogatoire qui a débuté lundi dans l'après-midi, l'avocat canadien de Ntagerura, Me Henry Benoît , a relevé des contradictions et incohérences entre les déclarations antérieures du témoin LAC et sa déposition devant la cour.

Le témoin a expliqué que cela provenait des erreurs de transcription de l'enquêteur du parquet qui a enregistré son témoignage. Le contre-interrogatoire devrait se poursuivre mardi matin.

Ntagerura, Bagambiki et Imanishimwe sont poursuivis pour génocide, complicité dans le génocide, entente en vue de commettre le génocide, crimes contre l'humanité et violations graves des conventions de Genève applicables en temps de guerre.

Ouvert sur le fond le 18 septembre dernier, ce procès conjoint avait été suspendu le 21 du même mois après la déposition de deux enquêteurs du parquet.
BN/AT/PHD/FH (CY%1009A)