04.09.2000 - TPIR/BAGILISHEMA - LE PARQUET REQUIERT l'EMPRISONNEMENT A VIE CONTRE l'EX-MAIRE DE MABA

Arusha 4 septembre 2000 (FH) - Le parquet a requis l'emprisonnement à vie contre l'ancien maire de Mabanza (préfecture Kibuye, ouest du Rwanda), Ignace Bagilishema, lors de son réquisitoire plaidé lundi, devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Ignace Bagilishema répond de sept chefs D'accusation de génocide et de crimes contre l'humanité.

2 min 54Temps de lecture approximatif

Il est accusé de massacres de Tutsis dans les communes de Mabanza, Gitesi, Gishyita et Gisovu en préfecture de Kibuye.

La représentante ougandaise du parquet, Jane Anywar Adong, a soutenu devant la Cour que l'accusé avait, volontairement et en toute connaissance de cause, participé, encouragé et aidé à exécuter les massacres systématiques et généralisés de Tutsis. Le parquet allègue notamment que l'accusé n'a pas déployé les ressources à sa disposition pour empêcher les massacres et n'a pas pris des mesures pour en punir les auteurs.

Selon Jane Anywar Adong, "les crimes reprochés à l'accusé représentent une attitude coordonnée et concertée", que la représentante du parquet a qualifié "D'odieux" et "D'une extrême gravité", ajoutant qu'ils "choquent la conscience collective de l'humanité".

Jane Anywar Adong a indiqué qu'elle n'a trouvé aucune circonstance atténuante pour l'accusé, "étant donné qu'il n'a pas exprimé de remords", selon elle. "l'accusé savait ou avait les moyens de connaître les conséquences de ces actes", a argumenté Jane Anywar Adong. "Il connaissait l'existence des barrières [où étaient sélectionnés les Tutsis à tuer], et le fait qu'il le savait, signifiait qu'il y consentait, qu'il acquiesçait", a-t-elle ajouté.

Le parquet a en outre affirmé que l'accusé avait le pouvoir et le devoir D'assurer la sécurité dans sa commune et de chercher les renforts si c'était nécessaire. "Le bourgmestre [maire] de part ses fonctions représente le gouvernement au niveau des masses. Et ceci a été conçu pour que le gouvernement puisse accéder aux populations locales", a dit Jane Anywar Adong.

"Certaines populations ne connaissaient même pas le préfet. Elles connaissaient le bourgmestre. C'était lui qui était avec la population.", selon la représentante du parquet. "Chaque rwandais obéissait à l'autorité [...]Pour le paysan, c'était un honneur même si le bourgmestre lui adressait la parole", a renchéri la juriste ougandaise.

Bagilishema était un homme efficace, charismatique, un ancien militaire, "c'est pour cela qu'il a mis en pratique cette politique génocidaire à Mabanza", a souligné Jane Anywar Adong. A ce propos, la représentante du parquet a signalé que dès sa mise en place, le gouvernement intérimaire de 1994 "a imaginé qu'en assassinant la population tutsie, il créerait un monde meilleur pour lui. Et les tueries ont commencé".

"Ceux qui sont restés dans le gouvernement l'ont fait parce qu'ils appuyaient cette idéologie ou parce qu'ils étaient obligés de le faire. C'était le cas de l'accusé que vous avez devant vous", selon Adong.

Le procès de l'ancien maire de Mabanza s'est ouvert le 27 octobre dernier. l'accusation a cité dix-huit témoins, la défense quinze, dont l'accusé lui-même. Ignace Bagilishema plaide non coupable.

Lors de son propre témoignage, Ignace Bagilishema avait affirmé qu'il avait toujours essayé de protéger
les Tutsis persécutés. Bagilishema a indiqué avoir utilisé le peu de moyens à sa disposition pour contrer les attaques des assaillants "Abakiga" venant du Nord de sa commune, auxquels, à un moment donné, se sont joints "les délinquants de Mabanza". l'accusé a signalé avoir recouru aux autorités supérieures, mais en vain.

Bagilishema a caractérisé D' "aberrantes" et de "pures inventions" les accusations portées contre lui. "Je me suis mis corps et âme à défendre les personnes en détresse et je n'ai jamais changé mon attitude jusqu'à mon départ du Rwanda," a-t-il indiqué.

Ignace Bagilishema est défendu par les avocats français, Me François Roux, et mauritanien, Me Maroufa Diabira. Les avocats ont de leur côté présenté leur client comme "un homme de paix, profondément croyant" et "bâtisseur des passerelles entre les hommes" de toutes les ethnies, les religions et les régions.

"Ce n'est pas parce qu'il est Hutu, parce qu'il est bourgmestre, parce qu'il appartient à l'administration du Rwanda qu'il est coupable" ont-ils plaidé, demandant aux juger de l'acquitter.

Le parquet a soutenu lundi que l'accusé " a été sélectif dans la manière dont il cherchait quelles personnes il protégeait et lesquelles il sacrifiait pendant les massacres".

La plaidoirie de la défense devrait débuter lundi après-midi.

AT/PHD/FH (BS%0904A)