Dans ce contexte, a-t-il poursuivi, "Bagilishema avait de moins en moins de capacité D'agir, il avait été dépouillé de toute autorité". " Je ne vois pas comment le bourgmestre aurait pu s'opposer à des bandes armées nombreuses, à un phénomène de violence élargie, il n'en avait pas les moyens", a ajouté le sociologue français.
François Clément a effectué plusieurs missions au Rwanda, de 1989 à mars 1994, dans le cadre de la mise en place de la planification communale, particulièrement en préfecture de Kibuye. Il travaillait pour le compte D'un bureau D'études français, l'IRAM, qui sous-traitait avec la coopération suisse impliquée dans des projets de développement au Rwanda, en particulier dans la préfecture de Kibuye.
"Au cours de mes missions au Rwanda, J'ai toujours travaillé à Kibuye et à chaque fois je passais entre deux à trois jours en commune Mabanza", a dit le témoin. "J'ai eu l'occasion de travailler avec beaucoup D'acteurs de cette commune, J'y ai beaucoup circulé, et je crois que relativement J'en ai une bonne connaissance", a-t-il poursuivi .
" La situation normale vécue avant 1990 s'est dégradée, une peur s'est installée, et s'en est suivi une déstabilisation de l'entité communale, une déstabilisation générale de la société", a affirmé le témoin, faisant allusion à l'attaque lancée par le Front patriotique rwandais (FPR, rébellion tutsie) en octobre 1990.
"A chacune de mes missions, je constatais une dégradation de l'état D'esprit de la population[...]. Et à mes yeux l'élément principal qui se développe de 1990 à 1994, c'est cette peur induite par l'effet de guerre", a dit François Clément.
Evoquant le rôle joué par Bagilishema, le témoin a dit que "son pouvoir était fort avant 1990, et il 'est dégradé pour devenir extrêmement faible à l'aube des événements D'avril 1994". François Clément a expliqué que "Bagilishema était un homme de terrain et qu'il n'avait pas de liens privilégiés avec les hautes sphères du pouvoir".
"Je n'ai jamais eu l'impression que Bagilishema avait des entrées privilégiées auprès de tel ou tel ministère. Il avait bien sûr son réseau de connaissances, je suppose, mais je ne l'ai jamais vu dans une situation anormalement privilégiée avec des ministères ou des directeurs de services", a dit le témoin. "Il y avait une grande coupure entre les gens travaillant sur le terrain et ceux qui fréquentaient les ministères", a souligné François Clément avant D'ajouter que "Bagilishema était le bourgmestre qui s'impliquait le plus avec le plus grand succès dans la planification de sa commune.
"Il s'intéressait au développement de sa commune[...]; Mabanza a réussi à élaborer un plan de développement en période de stabilité et à le mettre en œuvre dans une période troublée", a continué le témoin qui a précisé cependant que "tout n'a pas été réalisé mais le plan de Mabanza était D'une grande qualité".
Au cours du contre-interrogatoire, le témoin a affirmé que suite au déclenchement de la guerre, "des précautions ont été prises pour faire face à l'ennemi, c'est à dire à la menace militaire du FPR", mais qu'il n'avait jamais observé des entraînements militaires des milices. François Clément a aussi dit se questionner lui-même sur ce qui s'est passé entre avril et juillet 1994, et comment cela a pu arriver particulièrement en commune Mabanza . Il a par ailleurs affirmé que l'assassinat D'un président hutu (Juvénal Habyarimana), fut un événement déclencheur mais que ce n'était pas la seule raison pour laquelle le génocide a eu lieu au Rwanda.
Ignace Bagilishema était maire de Mabanza dans la préfecture de Kibuye (ouest du Rwanda) lors du génocide rwandais en 1994. Il est poursuivi notamment pour génocide et crimes contre l’humanité. Le témoin-expert a affirmé avoir constaté que l'accusé était souvent contesté par un de ses assistants, Célestin Semanza. Certains témoins de la défense ont avancé que Semanza aurait supplanté le bourgmestre pendant les événements D'avril à juillet 1994.
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