Jean-François Roux, est un Français qui a travaillé en préfecture de Kibuye entre 1992 et 1994, pour le compte de la Coopération Suisse. Il était responsable de la cellule D'appui au développement communal, qui portait sur les neuf communes de Kibuye, dont celle de Mabanza.
Jean-François Roux a, contrairement aux autres témoins de la défense qui l'ont précédé à la barre, renoncé au statut de "témoin protégé", qui ne doit pas pouvoir être identifié par le public. Il n'a donc pas bénéficié de l'anonymat aux yeux du public. Il a affirmé que "Bagilishema était un bon bourgmestre".
"Il n'y avait aucun problème de gestion en commune Mabanza et les projets se réalisaient en temps voulu, alors que dans certaines autres communes on avait pas mal de problèmes", a dit M. Roux. Le témoin a affirmé aussi qu'entre 1992 et 1994, la situation au niveau de la sécurité était calme à Mabanza, alors que dans les communes Gishyita, Rutsiro et Rwamatamu, notamment, il y avait eu des problèmes. "Le bourgmestre (Bagilishema) a fait le nécessaire pour éviter que ça ne se propage à Mabanza", a dit le témoin. M. Roux a par ailleurs affirmé qu'il n'y avait "aucune discrimination ethnique à Mabanza".
Pour la première fois depuis le début de l'audition des témoins de la défense la semaine dernière, les représentants du bureau du procureur n'ont posé aucune question dans le cadre des contre-interrogatoires prévus par le règlement de procédure et de preuve du TPIR.
Image positive
Les huit témoins de la défense jusque-là entendus par les juges du TPIR ont présenté une image positive de Bagilishema pendant ses quatorze années à la tête de la commune Mabanza. Ils l'ont présenté comme un homme de la paix, de l'unité, et du développement . Les témoins ont notamment affirmé qu'après l'attentat contre l'avion présidentiel le 6 avril 1994, Bagilishema a tout fait pour maintenir la paix au niveau de sa commune, alors que les assaillants "Abakiga" venant du Nord ont tenté des incursions. Ils ont dit que Bagilishema a suggéré l'organisation de rondes de sécurité et a organisé des réunions de pacification de la population dans les secteurs.
Selon les témoins, il a aussi lancé des messages de pacification, notamment par le biais des communautés religieuses et des responsables des partis politiques opérant dans la commune, et il a mobilisé la population afin qu'elle vienne en aide aux fugitifs tutsis qui avaient trouvé refuge à Mabanza.
Par ailleurs, selon deux des témoins entendus, Bagilishema a caché des Tutsis chez-lui, de même qu'il en a aidés à fuir en leur établissant de fausses cartes D'identité avec la mention "Hutu".
Cela, ont dit les témoins, lui a valu D'être suspecté de complicité avec la rébellion tutsie (FPR) . De surcroît, en mai 1994, "Radio Muhabura" gérée par le FPR, l'a félicité pour son comportement dans le cadre du maintien de la paix, et elle a invité les autres bourgmestres et autorités à suivre son exemple, ont souligné des témoins.
Les témoins ont aussi affirmé que les Tutsis qui s'étaient réfugiés à Mabanza sont partis à Kibuye de leur propre initiative, parce qu'ils se rendaient compte que la commune n'avait pas les moyens de les protéger contre les menaces des Abakiga. Selon les accusations du parquet, Bagilishema les auraient envoyés à Kibuye, pour ensuite y trouver la mort.
Un témoin a reconnu que même si la police communale, en collaboration avec la population, est parvenue à mettre en échec deux attaques menées par les assaillants "Abakiga", ces derniers ont fini par réussir, après échange de coups de feu, des actions de pillage à Mabanza.
La semaine dernière, un autre témoin a affirmé: "Bagilishema m'a dit avoir téléphoné à la préfecture pour demander assistance en matière de sécurité [...] mais il n'y a pas eu de suite."
Le même témoin a enfin indiqué que l'accusé avait eu l'intention de renoncer à son poste, car "il ne servait plus à rien D'être appelé bourgmestre, alors qu'il ne pouvait plus protéger ni sa famille, ni les réfugiés".
Au cours des contre-interrogatoires menées par le bureau du procureur et les juges, les témoins cités par la défense ont dit ne rien savoir sur les tueries aux barrières et sur les fosses communes en commune Mabanza évoquées par les témoins de l'accusation dans leurs dépositions.
Le TPIR poursuivra dans deux semaines l'audition des témoins de la défense dans l'affaire Bagilishema.
Ignace Bagilishema est poursuivi pour génocide, divers crimes contre l'humanité, et pour crimes de guerre. Son procès a commencé le 27 septembre 1999 devant la première chambre de première instance du TPIR présidée par le juge norvégien Erik Mose et comprenant en outre les juges sri-lankais Asoka de Zoysa Gunawardana et turc Mehmet Güney.
CR/PHD/FH (BS%0504a)