Semanza demande l'annulation de son arrestation et de sa détention, pour vices de procédure. En cas D'acceptation de la requête, la chambre D'appel aurait à ordonner la libération de l'accusé.
Toutefois, le procureur du TPIR Carla Del Ponte a commencé par rappeler à la Cour la gravité des crimes commis par Semanza. "Laurent Semanza a dirigé l'attaque dirigée contre les (tutsis) réfugiés à la paroisse Musha et a participé lui-même aux tueries", a-t-elle dit.
"Je vous demande de ne pas oublier les accusations portées contre lui. Il s'agit notamment du crime de génocide pour lequel ce tribunal a reçu mandat", a-t-elle ajouté. "On a les preuves, on vous les donnera, et notre requête est qu'il soit condamné, pour génocide, à la réclusion à vie", a poursuivi le procureur.
l'affaire Semanza est perçue comme très similaire à celle D'un autre accusé du génocide, Jean Bosco Barayagwiza, dont la chambre D'appel a ordonné en novembre dernier, la libération pour vices de procédure. Cette décision avait amené le gouvernement rwandais à suspendre sa coopération avec le TPIR, bien qu'elle vienne D'être officiellement restaurée.
Del Ponte a introduit une requête en vue de la révision de la décision sur Barayagwiza, sur base de "nouveaux faits". La chambre D'appel devrait entendre cette requête le 22 février. Il est fort probable que le procureur recoure à une stratégie similaire dans les deux cas de Semanza et Barayagwiza. "Dans les deux affaires vous déciderez de l'existence future du Tribunal", a dit Del Ponte aux juges de la chambre D'appel.
Revenant plus tard sur l'affaire Semanza, Del Ponte a dit aux juges "qu'elle ne peut pas oublier les victimes des crimes qu'il a commis". " J'ai avec moi 800'000 à un million de cadavres qui demandent justice et c'est à vous de décider ce qu'il faut faire", a-t-elle conclu.
Pas de pouvoir sur les autorités nationales
Carla Del Ponte a reconnu que la question était de savoir si le règlement de procédure et de preuve du tribunal avait été violé, et elle a fait valoir qu'il ne l'avait pas été. "Nous pensons qu'il n'y avait rien D'illégal dans l'affaire Semanza", a-t-elle dit. Elle a ajouté que le parquet avait fait preuve de diligence à toutes les étapes de la procédure.
Semanza a été arrêté au Cameroun en mars 1996, avec11 autres personnes dont Barayagwiza. l'acte D'accusation établi contre lui n'était pas encore confirmé jusqu'au 23 octobre 1997, et il n'avait pas été transféré à la prison D'Arusha jusqu'au 11 novembre 1997. Sa comparution initiale, au cours de laquelle il a plaidé non coupable sur toutes les charges, a eu lieu le 16 février 1998.
Dans l'affaire Barayagwiza, la décision des juges s'est basée essentiellement sur l'article 40 bis du règlement du TPIR, qui dit que: "la durée totale de la détention provisoire ne peut en aucun cas, excéder 90 jours, délai à l'issue duquel, pour le cas où un acte D'accusation n'a pas été confirmé et un mandat D'arrêt signé, le suspect est remis en liberté [...]".
Le procureur Carla Del Ponte a fait valoir que pour la plus grande partie de la période de détention initiale au Cameroun, les autorités là bas étaient entrain D'examiner une requête D'extradition du gouvernement rwandais, qui a été finalement rejetée, et que le TPIR avait à ce point retiré sa propre requête pour Semanza.
"Même si le règlement de procédure était violé, ce que je conteste, il serait resté en prison sur demande du gouvernement rwandais", a dit Del Ponte. Elle a ajouté qu'alors qu'un accusé était dans une prison de ressort national , ce sont les lois et procédures nationales qui s'appliquent.
"Qui décide du moment du transfert?", a-t-elle demandé. "Ce n'est pas le Tribunal, mais les autorités nationales. Nous ne devrions pas oublier que ni le procureur, ni le Tribunal ne sont parties prenantes à la procédure D'extradition, nous ne pouvons pas intervenir".
Elle a en outre exposé que le parquet avait fait tout ce qu'il pouvait en s'informant régulièrement de l'état D'avancement du processus en cours au Cameroun et en exerçant une pression là où cela était possible.
Cet argument a été repris par le procureur adjoint , le Camerounais Bernard Muna. "Ces actes n'étaient pas sous notre contrôle. Comment pouvons-nous agir avec diligence quand le contrôle est entre les mains D'un Etat souverain?", a-t-il demandé aux juges.
l'avocat de Semanza, le camerounais Charles Acheleke Taku, avait auparavant fait valoir que le parquet pouvait intervenir en écrivant au président du TPIR, qui pouvait alors solliciter l'aide du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Cet argument a été réfuté par le procureur adjoint Muna. Il a fait valoir que le Cameroun ne refusait pas de coopérer, mais tout simplement qu'il était lent.
Les deux procureurs Del Ponte et Muna ont avancé qu'à toutes les étapes, l'accusé avait été représenté par un avocat. Ils ont aussi dit que c'était la défense qui avait demandé l'ajournement de la comparution initiale de Semanza après son transfert à Arusha.
Les débats sur l'affaire ont été mis en délibéré et selon le président de la chambre D'appel, le français Claude Jorda , la décision " sera rendue le plus tôt possible".
CR/PHD/FH (SE%0216A)