Selon Madame Inyumba, qui a rang de Secrétaire d’Etat "la réconciliation est un long chemin, un long chemin parce que tout conflit a un début et une fin. On ne peut prétendre y arriver en un jour. Ce chemin doit commencer par la question: la réconciliation est-elle possible ?". La réponse qu’elle a donnée est qu’un sondage organisé dans toutes les provinces du Rwanda par sa commission a révélé que 80% de la population croit qu’il est encore possible que les Rwandais puissent vivre harmonieusement ensemble, et que la justice a un grand rôle à jouer dans leur réconciliation.
La deuxième étape est la définition des causes du conflit. "Nous devons d’abord comprendre pourquoi des gens ont tué leurs conjoints, leurs enfants, leurs voisins ou leurs amis; comprendre ce qui a brouillé les Bahutu, les Batutsi et les Batwa", a indiqué Aloysie Inyumba.
Elle a invité l’assemblée à donner ses opinions et d’après elle, "les réponses données se retrouvent dans le sondage même. La question des ethnies n’apparaît jamais dans les causes de ce conflit, mais c’est la façon dont elle a été gérée et exacerbée en cultivant seulement les différences".
Certaines de ces causes sont la pauvreté (des gens affamés sont prêts à suivre n’importe qui pour n’importe quoi), l’ignorance, les mauvais dirigeants, les mauvaises politiques, une mauvaise éducation, ou l’acculturation (les colons ont privilégié l’ethnie à la place d'une même appartenance nationale des Rwandais et les dirigeants rwandais ont eux-mêmes perpétué le mal au détriment du bien).
La troisième étape est la compréhension de la nature du mal que nous vivons: "Est-ce que nous parlons le même langage quand nous parlons du conflit qui déchire les Rwandais ou de leurs droits? Est-ce que nous sommes sur la même longueur d’ondes quand nous parlons des tueries que nous avons connues? Pourquoi une partie des Rwandais parle de ses souffrances et pourquoi l’autre partie se tait? Sommes-nous d’accord sur les coupables ?"
Aloysie Inyumba a illustré cette dernière question par une anecdote: "Les Rwandais disent que la malaria est causée par les moustiques. Mais ils ne savent généralement pas qu’il ne s’agit pas de tous les moustiques, que c’est une seule espèce de moustique, et encore pas toute l’espèce puisque c’est seulement la femelle de cette espèce. Alors devons-nous dire que le génocide a été perpétré par tous les Hutus ?"
La quatrième étape est la définition des options pour atteindre la réconciliation. Mais aucune option n’est possible quand il y a participation de gens en conflit. Quand ils ont compris le problème de la même façon, il est alors aisé de trouver les solutions ensemble et surtout de les accepter et de les mettre en exécution pour atteindre l’objectif final qui est le pardon et la réconciliation". Or, "On ne peut jamais dire que ces tueries n’ont jamais touché les Batutsi, les Bahutu et les Batwa. C’est pourquoi il faut leur participation à tous. C’est ça le fondement des Gacaca" a-t-elle souligné.
Madame Inyumba a encore indiqué que l’une des options adoptées par le gouvernement rwandais est en effet la justice participative et réconciliatrice. "Si demain quelqu'un sort des procès gacaca en disant "Ils m’ont condamné mais mon fils me vengera", nous seront passés à côté de cette justice. Vous, juges des gacaca, vous êtes un groupe très important pour l’avenir de ce pays".
Si vous jugez en fonction seulement de la longueur du nez (les Tutsi sont supposés avoir un nez long et les Hutu un nez aplati), vous condamnez ce pays à jamais. Dans vos formations, la Cour suprême vous donnera les techniques, mais pas la conscience", a conclu le secrétaire exécutif de la Commission Nationale pour l’Unité et la Réconciliation, avec des accents de conviction.
WK/PHD/FH (RW1210B)