L'un des avocats de la défense, le Béninois Alfred Pognon, a voulu savoir si les tueurs de l'église de Kibeho, qui y ont massacré les réfugiés tutsis du 14 au 16 avril 1994, "étaient toujours dans les parages, était-ce la même bande qui est allée tuer les élèves tutsis de l'école Marie Merci le 7 mai 1994?", a-t-il demandé au témoin.
Le juge Jaliel Rutaremara, président du siège, a répondu à la place du témoin : "Me Pognon, vous posez des questions qui choquent la conscience des rescapés. Le témoin ne pouvait pas savoir qui étaient les tueurs puisque lui-même était menacé".
Me Pognon a vigoureusement protesté en disant que c'était la seconde fois que le juge Rutaremara lui faisait cette remarque, que choquer la souffrance des victimes du génocide n'était pas du tout son objectif, mais qu'au nom de la justice, toute la vérité devait se dire. Lors de la précédente audience, le 5 novembre, alors que Me Pognon venait de faire remarquer que les discours des officiels de l'Etat prêtaient à confusion en 1994, prêchant publiquement la fin des massacres, mais téléguidant ces tueries en coulisse, le juge Rutaremara avait dit : "Me Pognon, je vous conseille d'être extrêmement prudent avec vos propos. Les Rwandais savent exactement ce qui s'est passé en 1994, il ne faut pas les blesser".
Un autre incident a émaillé l'audience de mardi. Un autre avocat de la défense, le Rwandais Protais Mutembe, proche parent de l'ancienne reine tutsie Rosalie Gicanda, a estimé que si les Tutsis avaient su que le génocide se préparait ils auraient fui le pays avant que l'irréparable ne soit commis. Le substitut du procureur, Edouard Kayihura, a trouvé ces propos inappropriés : "il s'agit de propos de génocidaire, je demanderais qu'on évite leur emploi en de telles circonstances à l'avenir", a-t-il déclaré. Me Mutembe s'est senti offensé et a, à son tour, suggéré que "la politesse interdisait à l'accusation de le qualifier de génocidaire".
Le procès se poursuivra le 23 novembre, "dernier jour d'audition des témoins à charge, sinon on en finirait pas" a déclaré le juge Jaliel Rutaremara. L'accusation souhaitait que deux nouveaux noms soient ajoutés sur la liste des témoins à charge. Le procès Misago a été ouvert sur le fond le 20 août dernier.
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