LE PROCES MISAGO AJOURNE JUSQU'AU 4 NOVEMBRE

Kigali, 27 octobre 99 (FH) - Le procès de l'évêque catholique de Gikongoro, Mgr Augustin Misago, s'est poursuivi mercredi, devant la Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Kigali, par l'audition des témoins à charge commencée la veille. A l'ouverture de l'audience, la cour a rendu son verdict sur la citation directe demandée par la partie civile et a déclaré que cette citation était recevable.

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Les juges ont accordé huit jours à l'évêque de Gikongoro pour préparer sa défense sur les nouvelles accusations. Ces nouvelles accusations portent notamment sur les massacres du Centre Christus de Remera, près de Kigali, et du Centre Saint-Paul, au centre-ville de la capitale. Une dizaine de prêtres tutsis font partie des victimes du Centre Christus.

L'audience s'est poursuivie avec l'audition du dernier prêtre, qui témoignait à huit clos contre Mgr Misago. Puis deux autres témoins à charge ont déposé en audience publique.

Le premier, une femme tutsie rescapée des tueries de l'église de Kibeho, a déclaré que le 13 avril 1994, Mgr Misago, le sous-préfet du lieu (sous-préfecture de Munini), Damien Biniga, ainsi que les bourgmestres des communes Rwamiko, Silas Mugirangabo, et de Mubuga, Charles Nyiridandi, sont venus demander au curé de Kibeho, Pierre Ngoga, que "les hommes réfugiés à l'église se rendent à une réunion publique avec les autorités locales". La réunion devait se tenir à Nyarushishi, où les réfugiés hutus burundais les attendaient pour les massacrer, a-t-elle déclaré à la cour.

Le prêtre aurait répondu que "cette réunion pouvait bien aussi se tenir à l'église même, entre autres pour permettre aux femmes réfugiées d'y participer également". Le sous-préfet Biniga aurait alors déclaré : "Monsieur le curé, vous me refusez ces hommes, c'est vous qui allez répondre de cette décision". Le groupe serait alors parti sur cette menace.

Selon le témoin, le sous-préfet Biniga et les bourgmestres Mugirangabo et Nyiridandi seraient revenus le lendemain, sans l'évêque Misago, à la tête d'un important groupe de militaires, qui ont massacré plusieurs dizaines de réfugiés. Deux jours plus tard, le samedi 16 avril 1994, ils seraient revenus encore pour parachever le travail, en incendiant l'église. Le témoin avait pu partir la veille, dans la nuit, avec un petit groupe d'autres personnes et le curé de la paroisse, pour se réfugier ailleurs.

Mgr Misago nie avoir été à Kibeho le 13 avril 1994. Les trois responsables politiques cités par le témoin figurent sur la liste des personnes classées dans la première catégorie des "génocidaires" par le Procureur général près la Cour Suprême,

Le deuxième témoin à charge est le beau-frère de l'un des prêtres de l'évêché de Gikongoro, Irénée Nyamwasa. Il a déclaré devant la cour qu'il avait pu voir le prêtre le 14 avril 1994 à l'évêché de Gikongoro eet que ce dernier lui avait déclaré ne pas être dans de bons termes avec son évêque Mgr Misago. Le témoin a encore précisé qu'il avait appris les circonstances de la mort du religieux en août 1994 seulement, par une personne actuellement détenue à la Prison Centrale de Kigali.

Mgr Misago est accusé de génocide et de crimes contre l'humanité, et surtout de non-assistance à personnes en danger de mort alors que, selon le parquet, il en avait les pouvoirs et les moyens. Plus particulièrement, le parquet l'accuse de la mort d'une trentaine d'enfants qui ont été massacrés dans les paroisses de Kibeho et de Kaduha, ainsi que celle des prêtres Joseph Niyomugabo, qui était curé de la paroisse de Cyanika, Irénée Nyamwasa, Canisius Murinzi et Aloys Musoni, tous quatre tués après avoir été enlevés des locaux de l'évêché de Gikongoro.

Aux faits allégués par le parquet s'ajoutent désormais les massacres du Centre Christus et du Centre Saint-Paul à Kigali, dont les parties civiles, représentées par Me François Rwangampuhwe, accusent Mgr Misago d'être responsable. L'accusé est assisté par trois avocats, deux Rwandais et l'ancien bâtonnier du Bénin, Me Alfred Pognon.

Le procès a été suspendu et se poursuivra le 4 novembre prochain, avec l'audition des derniers témoins à charge et des premiers témoins à décharge, une dizaine au total selon l'un des avocats de la défense.

Le Nonce Apostolique au Rwanda a suivi dans la salle toutes les audiences publiques de ce procès. L'archevêque de Kigali, Mgr Thaddée Ntihinyurwa, et l'évêque de Butare, Mgr Philippe Rukamba, assistaient aussi à l'audience publique de mercredi. Mardi, aucun évêque rwandais n'était présent à l'audience. Ils devaient rencontrer le même jour le président de la République, Pasteur Bizimungu.

Selon une source proche de la Conférence Episcopale des évêques catholiques du Rwanda, le Chef de l'Etat, indisponible, avait délégué le ministre à la présidence de la République, Patrick Mazimpaka. La réunion était consacrée aux relations entre l'Etat rwandais et l'Eglise catholique du Rwanda, a précisé la même source.

Mgr Misago a été arrêté le 14 avril dernier, une semaine après un discours public du Chef de l'Etat ,selon lequel "même s'il est prouvé que Mgr Misago est innocent, les responsables de l'Eglise catholiques doivent le muter ailleurs".

WK/PHD/FH (RW&1027A)