Les enquêtes doivent être encore approfondies, justement en raison de cette connexion de dossiers, pour lesquels le procès pourrait être collectif, a-t-on indiqué au Parquet de la République à Kibuye.
Par ailleurs, des survivants du génocide ont manifesté mercredi dans les rues de Kibuye contre la libération, lundi dernier, d'Ignace Banyaga, s'arrêtant devant la brigade de gendarmerie de la ville, le tribunal de première instance, et le bureau préfectoral. Les manifestants estimaient que cet acquittement prouve, une fois de plus, "la corruption de la justice".
Certains protestataires affirment qu'Ignace Banyaga n'a jamais nié avoir érigé des barrières, ni qu'il avait accompagné Clément Kayishema dans ses "raids" au Bisesero. Selon eux, certaines pièces de son dossier ont été "volées", de façon que le procès n'a été qu'une simple formalité. Ils se sont déclarés choqués par la libération de l'ancien sous-préfet. Sur certaines pancartes des manifestants, on pouvait lire : "Nous avons besoin d'une justice saine. Sans la vraie justice, la réconciliation est impossible".
Sous-préfet du nouveau régime
En 1994, Ignace Banyaga travaillait depuis 21 ans au secrétariat de la préfecture de Kibuye, d'abord comme simple employé, puis comme chef du secrétariat sous Clément Kayishema, alors préfet de Kibuye et actuellement en jugement pour génocide et crimes contre l'humanité devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, TPIR. Le procès de Clément Kayishema, contre lequel le procureur du TPIR a réclamé la peine maximale, s'est terminé au mois de novembre dernier, mais le jugement n'a pas encore été rendu.
Ignace Banyaga avait ensuite été promu sous-préfet, après le génocide, en septembre 1994, poste dans lequel il a été confirmé officiellement en 1995 par arrêté présidentiel (les sous-préfets, tout comme les préfets et les bourgmestres (maires), sont nommés par le président de la République). Ignace Banyaga a été arrêté le 14 mars 1997 après une plainte déposée collectivement au Parquet de la République de Kibuye par une vingtaine de survivants du génocide.
Lundi dernier, la Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Kibuye avait déclaré Ignace Banyaga non coupable et ordonné sa libération immédiate, estimant sans fondement les accusations de génocide et de crimes contre l'humanité portées contre lui. Le parquet de Kibuye a déclaré ne pas être satisfait par ce verdict et vouloir faire appel.
Le Ministère public avait requis la peine de mort contre l'ancien sous-préfet, l'accusant d'avoir, pendant le génocide, organisé et supervisé des rondes et des barrières de tueurs dans le quartier Kiyovu-A de Kibuye, où il habitait, et d'avoir signé un document appelant les Hutus à exterminer les Tutsis. L'ancien sous-préfet était en outre accusé d'avoir été le responsable du "charroi" (parc) automobile de la préfecture pour le transport des miliciens Interahamwe, notamment vers le Bisesero, où des milliers de Tutsis persécutés s'étaient réfugiés et ont été massacrés entre avril et juin 1994.
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