Vingt mille Tutsis y ont cherché refuge dès le début du génocide le 7 avril 1994. Les miliciens hutus Interahamwe, parmi lesquels des membres du conseil paroissial, selon les survivants, n’ont pas hésité à violer ce sanctuaire: les réfugiés ont été brûlés vifs et achevés à la machette et par balles.
Les restes des victimes ont été symboliquement inhumés mercredi par les dirigeants du pays, en présence d’une foule immense, des dignitaires religieux, y compris Mgr Misago lui-même, de diplomates accrédités au Rwanda, et de l’ancien chef de l’Etat malien, le général Ahmadou Toumani Touré, membre d’un panel de personnalités internationales chargées par l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) d’enquêter sur le génocide rwandais.
Témoignages publics de rescapés
Dans un témoignage public sur ce qu’ils ont vécu à Kibeho, trois rescapés de ce massacre, dont un Hutu, ont accusé Mgr Misago: selon eux, l'évêque "aurait dirigé personnellement des réunions des tueurs de Kibeho, en présence des autorités militaires et civiles de Gikongoro". De plus, "il aurait refusé de demander une protection pour Kibeho, dont il est le plus haut responsable et propriétaire", ont ajouté les rescapés.
Dans son allocution, le président de la République rwandaise, Pasteur Bizimungu, a réagi avec force à ces témoignages. "Il est incompréhensible que les chrétiens que nous rencontrons à Kigali, à Gikongoro, à Nyanza, à Butare, et ici-même à Kibeho, continuent à accuser Mgr Misago de participation au génocide, et que l’Eglise Catholique et Mgr Misago continuent à se taire un an, deux, cinq ans, sans démentir" a déclaré le chef de l'Etat.
Mutation demandée par le gouvernement
"Il est inconcevable que l’Eglise Catholique, dont Mgr Misago est pasteur, puisse le maintenir à son poste, comme un homme sans reproche, comme un homme d’exemple aux fidèles", a poursuivi le président. "S’il est prouvé que Mgr Misago est innocent, contrairement à ce que les chrétiens rwandais ont montré plus d’une fois, nous demandons aux responsables de cette Eglise de le muter ailleurs"..
En 1994, peu après le génocide, le prélat s'était rendu à Rome, où il était resté jusqu'en 1995, officiellement pour raisons de santé, avant de rentrer au Rwanda. En 1997, il avait été convoqué comme témoin dans un procès pour génocide tenu devant la Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Gikongoro.
Lors de ce procès, la partie civile était sortie du cadre de l'instruction pour accuser l'évêque. Le président de la Chambre était intervenu pour rappeler que Mgr Misage avait été convoqué par la Cour comme témoin et non comme accusé. "Ceux qui ont des griefs contre lui n’ont qu’à porter plainte officiellement" avait ajouté le magistrat.
A ce jour, aucune plainte n’a jamais été déposée contre l’évêque de Gikongoro. Son cas a dû vraisemblablement faire l’objet de discussions entre le Gouvernement et l’Eglise catholique. Le président Pasteur Bizimungu a en effet indiqué mercredi à Kibeho: "J’aimerais dire aux Rwandais que nous n’avons pas craint Mgr Misago ou que nous ne l’avons pas mis au-dessus des lois. Nous avons simplement voulu que les choses se résolvent dans la concertation et honorablement".
WK/PHD/FH (RW&0407A)