L'arrestation en Suisse de Naser Oric, l'ancien commandant de guerre de Srebrenica, a suscité de vives réactions, à l'instar des clivages ethniques entre Bosniaques et Serbes. Héros pour les premiers, criminel pour les seconds, Naser Oric devient, une fois de plus, le symbole d'un profond désaccord entre les différentes communautés des Balkans, vingt ans après la fin de la guerre.
Les passions sont en outre alimentées par le fait que l'arrestation de M. Oric intervient moins d'un mois avant le vingtième anniversaire de la chute de Srebrenica en 1995, laquelle sera par la suite qualifiée de génocide par les tribunaux internationaux et les tribunaux de Bosnie-Herzégovine, ce que les Serbes contesteront sur le fond.
Les médias ont indiqué que l'ordre d'arrestation de l'Office fédéral de la justice (OFJ), se fonde sur un mandat d'arrêt des autorités serbes du 3 février 2014. M. Oric est placé en détention et les juges devront se prononcer sur la demande d'extradition attendue de Belgrade. Outre Naser Oric, des mandats d'arrêt internationaux ont également été émis à l'encontre de Hakija Meholjic, le chef de la police de Srebrenica pendant la guerre, et de trois autres membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
attaques contre des villages serbes
Le bureau du procureur de la Serbie chargé des crimes de guerre tient M. Oric et les quatre Bosniaques responsables de l'assassinat de neuf civils serbes dans les villages de Zalazje et Donji Potocari, dans la zone de Srebrenica, le 12 juillet 1992. Les autorités serbes soupçonnent M. Oric d'avoir mené, entre 1992 et 1995, avec d'autres membres des forces armées bosniaques musulmanes, plusieurs attaques contre des villages serbes dans la région de Srebrenica pour les vider de leur population civile serbe par l'intimidation, la torture et le meurtre.
Dans un communiqué de presse, l'OFJ a confirmé que M. Oric avait été entendu et qu'il était placé en détention en vue de l'extradition. À Belgrade, les juristes supposent que les autorités suisses décideront soit de l'extrader, soit de le poursuivre en justice en vertu du droit international et des conventions de Genève.
Acquitté en 2008
En 2008, le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) a acquitté Naser Oric de tous les chefs de crimes contre les Serbes. À l'origine, il devait répondre de violations des lois ou coutumes de la guerre dont le meurtre, le traitement cruel, la destruction barbare et le pillage à l'encontre de Serbes, en tant que commandant des forces de l'armée dans l'enclave de Srebrenica de juin 1992 à mars 1993. Si la Bosnie a considéré l'acquittement de M. Oric comme une victoire et si elle a accueilli ce dernier comme un héros, le verdict rendu par le TPIY a suscité la colère des officiels serbes qui ont déclaré que le tribunal ne contribuait pas à la réconciliation entre les deux communautés.
“On m'a poursuivi en justice à La Haye ; j'ai tout dit et on m'a libéré,” déclarait Naser Oric en janvier 2014.
Les juristes signalent cependant que si Naser Oric a été acquitté de toutes les charges retenues contre lui, la chambre d'appel du TPIY a clairement énoncé dans son verdict que l'armée bosniaque avait commis des crimes contre les Serbes de Srebrenica, un élément dont il pourrait être tenu compte dans un procès à venir.
Extradition possible
Le célèbre avocat Borivoje Borovic considère qu'il existe une ''possibilité réaliste'' que M. Oric soit extradé pour être jugé à Belgrade, étant donné les nouvelles charges, comme il l'indique, portées contre lui pour des crimes dont le Tribunal de La Haye (qui l'avait jugé et acquitté en 2008) n'avait pas tenu compte. Naser Oric, âgé de 48 ans, est né en Bosnie-Herzégovine, près de Srebrenica. Il a débuté sa carrière en tant que policier en Serbie après avoir suivi un cours de six mois en 1988. Au terme de deux années supplémentaires de cours et de formation, il a rejoint l'unité de police spéciale à Belgrade et, en 1990, il a été affecté au Kosovo. Selon les informations relayées par les médias, de retour à Belgrade, M. Oric est devenu le garde du corps de Slobodan Milošević, le président de la Serbie en exercice à cette époque, et a pris une part active à la répression de l'agitation civile lors les manifestations de masse qui ont eu lieu en mars 1991 à Belgrade. En août 1991, Naser Oric a été muté dans un poste de police de Sarajevo. Peu après, il est devenu chef de la police et, quelque temps plus tard, chef des unités de l'armée à Srebrenica pendant les années de guerre de 1992 à 1995.