Le TPIR détient une quarantaine de personnes.
Cinq juges du TPIR dont sa présidente , la Sud-africaine Navanethem Pillay et son vice-président, le Norvégien Eric Mose, se sont rendus à Kigali fin août et ont visité notamment des mémoriaux du génocide. Ils ont également rencontré les autorités rwandaises, dont le président Paul Kagame.
"Ces mêmes autorités de Kigali avec lesquelles vous vous êtes entretenu vous ont fait le récit des événements tels qu'elles les perçoivent, alors qu'elles sont elles-mêmes largement impliquées dans le drame rwandais en tant que partie au conflit à l'origine de ce drame" affirment les détenus.
Les signataires de la lettre mettent en cause Paul Kagame dans l'assassinat de son prédécesseur ,Juvénal Habyarimana, "qui fut l'élément déclencheur de la tragédie que vit le peuple rwandais depuis lors".
"En agissant ainsi, vous l'avez conforté dans ses illusions qu'il ne doit pas être autrement inquiété, arrêté et jugé pour tous ses crimes. Vous avez confirmé, une fois de plus, que le TPIR est là pour assurer la justice du vainqueur sur le vaincu", selon eux.
Les détenus du TPIR dénoncent par ailleurs une proposition actuellement en discussion de tenir éventuellement des audiences au Rwanda. "La tenue des audiences du TPIR à Kigali va compromettre sérieusement la défense, dans la mesure où les avocats encourront des risques évidents de sécurité et les témoins de la défense, actuellement en exil, ne vont pas prendre le risque de comparaître à Kigali. Dans ces conditions, les accusés seraient non seulement placés dans l'impossibilité de se défendre mais, plus grave encore, ils seraient placés en réel danger de mort dans la mesure où le gouvernement et les associations extrémistes telles que Ibuka feront tout pour s'opposer à leur retour à Arusha".
Dans cette lettre, les détenus s'insurgent en outre contre l'idée émise par le premier ministre rwandais, Bernard Makuza, au cours de la visite des juges du TPIR au Rwanda selon laquelle "il lui semblait, pour la question du recrutement de personnel rwandais par le Tribunal, qu'il y aurait au moins lieu de consulter les autorités compétentes afin de savoir de qui il s'agit, particulièrement en ce qui concerne les enquêteurs".
"Il n'appartient pas au gouvernement rwandais de s'immiscer dans la mise en place de l'équipe de la défense. Ce genre d'interférence et d'intimidation des membres de l'équipe de la défense constitue une violation flagrante des droits de l'accusé qui serait abandonné à lui-même et obstrue la bonne administration de la justice", argumentent les détenus.
Les vingt-neuf accusés soulignent aussi "que l'impartialité et l'indépendance des juges sont sacrifiées au profit des bonnes relations avec le gouvernement de Kigali, surtout après les pressions exercées sur le Tribunal ainsi que les menaces proférees à son endroit dans l'affaire Barayagwiza".
Le Rwanda avait suspendu sa coopération avec le TPIR suite à la décision de la chambre d'appel de libérer l'ancien directeur des affaires politiques au ministère des affaires étrangères, Jean-Boco Barayagwiza, pour vices de procédure.
"Ces comportements justifient de notre part une suspicion légitime à l'endroit des juges qui ont participé à votre récente visite à Kigali et nous poussent à penser que, pour la survie des bonnes relations entre le TPIR et le gouvernement rwandais, aucun jugement ne pourra être rendu avec justice et équité", poursuivent les auteurs de la lettre du 7 septembre.
Outre Navanethem et Eric Mose, les autres juges qui ont visté le Rwanda sont le Russe Yakov Ostrovsky, le Turc Mehmet Güney, et le Jamaïcain George Williams.
Les avocats de Barayagwiza ont déjà demandé aux juges Pillay et Mose de se retirer volontaierement de son dossier.
De retour du Rwanda, la présidente du TPIR a indiqué qu'elle avait apprécié sa visite au Rwanda, expliquant qu'en aucun cas elle compromettait l'impartialité des juges.
AT/PHD/FH(RW%0909A)