Les rebelles touaregs ont signé samedi à Bamako l'accord de paix déjà entériné par le camp gouvernemental et la médiation internationale. Une date historique pour le Mali, mettant fin à des années de guerre.
L'accord a été signé au nom de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, rébellion) par Sidi Brahim Ould Sidati, un dirigeant du Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), lors d'une cérémonie en présence du président malien Ibrahim Boubacar Keïta et du chef de la Mission de l'ONU, Mongi Hamdi.
Les ultimes obstacles à la signature de l’accord avaient été aplanis vendredi.
La justice a ainsi levé les mandats d'arrêt visant 15 dirigeants de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, une coalition touareg basée dans le nord du pays) qui n’avait pas encore signé ce texte.
Autre obstacle écarté, les groupes armés de la Plateforme (progouvernementaux) se sont engagés à évacuer la ville de Ménaka, ce qui constituait une des exigences de la CMA.
L'ordonnance de mainlevée de mandat d'arrêt, une pièce à laquelle Studio Tamani a pu avoir accès vendredi, a été signée le 15 juin par un juge d'instruction du Tribunal de Grande Instance de la commune III du District de Bamako. Elle concerne 15 personnes poursuivies notamment pour crimes contre l'humanité, crime de génocide, crimes de guerre, atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, crimes à caractère racial, régionaliste ou religieux, meurtres et assassinats, trafic international de drogue et actes de terrorisme.
Jeudi soir, un responsable de la CMA, Almou Ag Mohamed, avait confirmé qu’une importante délégation de son mouvement en provenance de Kidal, dans le nord malien, serait présente à Bamako pour la signature.
S’agissant du retrait de Ménaka, il a été annoncé le même jeudi soir par un responsable de la Plateforme, Haballa AG Hamza, qui a précisé que l’opération commençait ce vendredi.
la justice est un moyen
La décision suscite beaucoup de réactions , notamment au sein des organisations de défense des Droits de l'Homme. Selon Me Amadou Tiéoulé Diarra, président de la Ligue pour la justice, le développement et les Droits de l'Homme s'il s'agit d'une mesure pour aller vers la paix, elle est loin d'être une amnistie ou une prime à l'impunité .
Studio Tamani l'a joint au téléphone : « Nous devons comprendre qu'en dernière instance, même si les gens étaient libérés, l'accord d’Alger stipule précisément qu'il y aura une commission internationale d’enquête des faits de crimes graves qui ont été commis au Mali. Et je pense qu'en dernière instance, c'est ce qui est important. Parce que même libérés, la commission d’enquête internationale retient la responsabilité de telle ou telle personne qui doit revenir s'expliquer effectivement sur les faits qui lui sont reprochés ».
Pour certain, la paix passe par la justice ?
« Oui, la paix passe par la justice, mais la justice est un moyen. Nous avons une justice qui est malade, qu'il faut soigner. Parce que vous ne pouvez pas assumer une justice et rétablir la paix sur une justice malade. Si cette justice est malade, nous devons la soigner d'abord. Or, le processus entre dans le cadre de ce soin là ».
« L'Accord de paix et de réconciliation » d'Alger a été signé le 15 mai à Bamako par la partie gouvernementale, la médiation internationale et certains groupes armés.
Pour leur part, trois des cinq membres de la Coordination des mouvements de l'Azawad avaient refusé de signer, exigeant des discussions supplémentaires. Ils ont annoncé le 5 juin à Alger, au terme de nouveaux pourparlers avec Bamako, qu'ils signeraient définitivement l'accord le samedi 20 juin.
Le nord du Mali est tombé en 2012 sous le contrôle de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, après la déroute de l'armée face à une rébellion, d'abord alliée à ces groupes qui l'ont ensuite évincée.
Les jihadistes ont été dispersés et partiellement chassés de cette zone par une opération militaire internationale lancée en janvier 2013 à l'initiative de la France, et toujours en cours. Mais d'entières parties du territoire échappent encore au contrôle de Bamako.