Il n'a pas témoigné sur les faits reprochés à l'accusé, mais il a décrit la situation au Rwanda pendant les quatre premiers mois de 1994.
Arrivé au Rwanda en décembre 1993 pour mettre en place la mission de l'ONU chargée d'appliquer les accords de paix d'Arusha, le colonel Marchal occupait le poste de commandant du secteur de Kigali et d'adjoint du commandant de la force de l'ONU, le général canadien Roméo Dallaire. Il commandait en outre l'ensemble du dispositif des casques bleus belge à Kigali.
La mise en place de la MINUAR a été laborieuse, a déclaré le témoin, qui commandait à Kigali 1'200 casques bleus et observateurs d'une quinzaine de nationalités. Après l'instauration d'une zone de consignation des armes, la MINUAR a cherché à faciliter la mise en place des institutions de transition prévues par l'accord de paix.
En janvier et en février, la situation déjà conflictuelle s'est dégradée, a affirmé le colonel Marchal. La capitale a connu un début de guerre civile à la fin de février, avec des massacres. Ces violences provenaient d'opposants aux nouvelles institutions.
A cet égard, selon le témoin, la mouvance présidentielle a joué le rôle principal d'opposition, alors que les responsables du Front patriotique rwandais (FPR) ont souvent joué la politique de chaise vide lors des discussions.
Informations sur un plan d'élimination en masse
En janvier, la MINUAR a reçu d'un informateur des renseignements sur des caches d'armes de miliciens de l'ex-parti unique présidentiel et sur des structures de préparation d'une élimination en masse d'une partie de la population, a confirmé Luc Marchal. Une fois vérifiées, ces informations ont été transmises au siège de l'ONU à New York par le général Dallaire, qui n'a pas reçu le feu vert pour saisir ces armes.
Après l'attentat du 6 avril contre l'avion présidentiel, la situation a commencé à déraper à Kigali le lendemain matin, affirme le colonel belge. Dix casques bleus belges, chargé de protéger le premier ministre, ont été assassinés dans des conditions atroces par des militaires de l'armée gouvernementale.
La mort des dix soldats belges a conduit le gouvernement belge à retirer la totalité de ses casques bleus une semaine plus tard, raison pour laquelle le colonel belge a quitté le Rwanda le 19 avril. Avec "un peu plus de courage et de détermination de la comuneauté internationale", a poursuivi le témoin, le pire aurait toutefois pu être évité.
Implosion de la MINUAR parmi les paramètres
Selon Luc Marchal, le génocide n'a pas été une opération "militaire", même si certaines structures d'élimination étaient en place. Dans un première période, des opposants politiques ont été éliminés par la garde présidentielle et une partie des milices, sur la base de listes.
Une seconde période a été caractérisée par le déclenchement d'opérations militaires, dont la responsabilité a été attribuée par la population au FPR, a estimé le témoin Des massacres en masse ont suivi. Dans une troisième période, la haine ethnique aurait été attisée par deux radios, la Radio des Mille collines (RTLM) et la Radio Muhabura, la station du FPR.
Ce déchaînement de violences d'une ampleur démesurée a été provoqué par la conjonction de plusieurs paramètres, dont l'un a été l'implosion de la MINUAR, a conclu Luc Marchal.
En réponse aux questions du procureur, le témoin a indiqué que, selon les renseignements recueillis par la MINUAR, la milice de l'ex-parti présidentiel avait reçu clandestinement des entraînements à caractère militaire, mais que les miliciens ne disposaient pas d'armes en nombre suffisant pour équiper tout le monde.
A la fin du mois de janvier 1994, un gros porteur a livré des munitions à l'armée régulière, qui a prétendu qu'il s'agissait de "livraisons résiduelles" sur des contrats antérieurs à l'embargo, a ajouté le colonel Marchal. Selon lui, la nécessité d'une autodéfense civile a été justifiée sous le prétexte de pouvoir répondre à une attaque massive du FPR.
PHD/FH (FU§0423a)