Les autorités sénégalaises ont écarté l'hypothèse que l'ancien dictateur tchadien Hissène Habré ait été contaminé par le Covid-19 en prison, anticipant le reproche d'être restées sourdes aux instances de ses proches.
La femme et l'entourage de Hissène Habré invoquaient depuis des mois les dangers du Covid-19 pour presser le Sénégal de le laisser sortir de prison; l'ex-dictateur tchadien a fini par succomber à la maladie à l'âge de 79 ans mardi matin dans un hôpital public, où il avait été transféré après un passage par une clinique privée.
M. Habré avait récemment, et à la demande de sa famille, "été transféré dans une clinique privée haut de gamme (à Dakar). C'est au niveau de cette clinique qu'il a attrapé la Covid", a déclaré le ministre de la Justice Malick Sall sur iRadio.
Les informations ne sont pas claires sur le fait qu'il aurait été souffrant ou non à ce moment-là. Il a finalement été transféré il y a quelques jours à l'hôpital principal de Dakar, où il est décédé.
M. Habré, qui a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, purgeait à la prison du cap Manuel à Dakar une peine d'emprisonnement à perpétuité, à la suite d'une condamnation en 2016 pour crimes contre l'humanité par une juridiction africaine.
Cela faisait des mois que son entourage réclamait un autre régime que la détention en arguant de son âge, sa santé déclinante et les risques du Covid-19 depuis l'apparition de la maladie au Sénégal en mars 2020, encore accrus par le variant Delta ces derniers mois.
La justice sénégalaise l'avait autorisé en 2020 à sortir de prison pour 60 jours. Le juge avait évoqué le fait que M. Habré était "particulièrement vulnérable au coronavirus".
- "Fierté" sénégalaise -
M. Habré, placé sous garde pénitentiaire chez lui à Dakar, avait regagné sa cellule au terme des 60 jours.
La justice avait en avril 2021 refusé une nouvelle demande de libération.
Fin juillet, son épouse Fatimé Raymonne Habré demandait dans une lettre le soutien des organisations des droits humains en décrivant son mari comme souffrant de diabète, d'hypertension et d'épuisement.
Des personnalités de la société civile s'étaient récemment exprimés pour un régime moins rigoureux, comme le défenseur des droits humains Alioune Tine, favorable à une permission de sortie.
"On aurait pu éviter (sa mort) en le libérant et en le laissant juste à la maison pour des soins médicaux. Mais malheureusement l'Etat sénégalais n'a pas réagi, et malheureusement les dirigeants africains n'ont pas réagi", a dit à l'AFP Kelley Chidi Djorkodei, qui s'est présenté comme l'un de ses neveux parmi des Tchadiens venus devant l'hôpital où M. Habré est décédé.
L'administration pénitentiaire s'est dédouanée. Depuis le début de la pandémie, aucun cas de contamination n'a été enregistré dans les prisons de Dakar et les tests effectués sur les gardiens à la prison du cap Manuelsont revenus négatifs, a-t-elle assuré.
"Nous devons tous être fiers de la façon dont nous avons accueilli Habré", a assuré le ministre de la Justice. "Là où il est, il sait que le Sénégal a été à la hauteur de la Téranga", la tradition d'hospitalité sénégalaise, a-t-il ajouté.
Les plus proches de M. Habré ne se sont pas exprimés publiquement. La clinique privée où il avait été admis n'a pas immédiatement répondu aux sollicitations de l'AFP.
Le Sénégal a été touché ces derniers mois par une forte progression du Covid-19. Il a officiellement enregistré plus de 72.000 cas et 1.697 décès.
A présent se pose la question du lieu d'inhumation de M. Habré. Le gouvernement tchadien a dit ne pas s'opposer au rapatriement de sa dépouille. La famille n'a pas fait connaître ses volontés.