Au Mali, après la ratification samedi par les rebelles touareg de l'accord de paix et de réconciliation, les protagonistes se disent optimistes tandis que l'opposition ne cache pas son pessimisme. Elle estime que ce compromis porte en lui-même les germes de la partition du Mali.
Le texte a été signé à Bamako, au nom de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), une organisation rebelle du nord du Mali, par Sidi Ibrahim Ould Sidatti, en présence notamment du président Ibrahim Boubacar Keïta. Le gouvernement et d'autres groupes rebelles avaient pour leur part signé l'accord le 15 mai.
« Nous nous réjouissons vraiment de l'atmosphère fraternelle dans la salle. Nous espérons vraiment continuer ces rapports- là pour que les choses puissent avancer dans le bon sens. Je pense que tout le monde a été clair pour dire que nous voulons mener un dialogue sans armes », a déclaré Sidi Ibrahim Ould Sidatti après la cérémonie. Le représentant rebelles touareg a cependant ajouté que la CMA attendait des gestes concrets des autres protagonistes. « Il faut vraiment apporter une urgence aux populations dans le nord. Nous attendons la libération des détenus, les actions par rapport à la communication au niveau des médias. Il faut que les gens communiquent dans le bon sens et évitent vraiment de faire des déclarations qui sont de nature à envenimer la situation. Je pense que c'est ce qu'on appelle les mesures de confiance », a-t-il dit.
Une table ronde des bailleurs de fonds
Pour sa part, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a laissé entendre qu'il n'y avait pas de temps à perdre. « Nous pouvons déjà engager le processus pour que l'armée puisse se déployer sur l'ensemble du territoire national, mais de façon progressive », a annoncé le ministre.
« Il y a un certain nombre d'échéances qu'il faut mettre en place. Il y a des groupes thématiques qui se mettront en place pour suivre le processus de désarmement et de démobilisation », a poursuivi le chef de la diplomatie malienne. Abdoulaye Diop a enfin annoncé la tenue prochaine d'une table ronde des bailleurs de fonds. « Sur le plan développement, une stratégie doit pouvoir être élaborée. Nous espérons organiser dans les semaines à venir une conférence des donateurs pour pouvoir mobiliser toutes les ressources nécessaires pour la mise en œuvre de l'accord. Donc, il y a beaucoup de choses à faire que je ne peux pas lister ici. Mais nous avons un chronogramme très précis et le gouvernement a déjà mis en place des structures chargées de piloter ces œuvres- là », a-t-il indiqué.
S'exprimant au nom des mouvements de la Plateforme (pro-gouvernementaux), Azaz Ag Idagdad s'est aussi voulu optimiste. « Je suis très heureux de rencontrer et de faire des accolades avec mes frères de la CMA. Nous allons tous donner une chance à ce processus, nous allons donner une chance à cette paix, pour le Mali et pour son développement. Je pense que c'est un jour heureux pour nous de nous retrouver et vraiment de sceller la paix. Nous pensons que ce sera la bonne solution cette fois». Il a cependant reconnu que le chemin à parcourir restait long et difficile. « Ce ne sera pas un exercice très facile, mais je pense que les potentialités que nous avons en ressources humaines vont venir à bout de tous les écueils et de tous les obstacles. En tout cas, en ce qui concerne la Plateforme, nous sommes prêts à aller de l'avant, nous sommes prêts à faire la paix au Mali ».
« L'accord n'est pas réaliste »
Mais l'opposition malienne ne partage pas cet optimisme. Djiguiba Keita, secrétaire général du Parti pour la renaissance de la Nation (PARENA) estime que la gouvernement a pris des engagements impossibles à honorer et doute de la bonne foi des rebelles touareg. « Hier (samedi) on a signé un papier. Un papier que nous avons dénoncé bien avant aujourd'hui, dont nous avons dénoncé le contenu comme contenant les germes de la partition du pays. Maintenant qu'il soit signé, nous ne pouvons que souhaiter bon vent au Mali. Très honnêtement je ne suis pas optimiste, parce que je trouve que l'accord n'est pas réaliste », a affirmé l'opposant. « Et puis les conditions qui sont posées sont telles que le Mali ne peut pas les remplir. Quant à la fiabilité de la rébellion, tout le monde sait qu'on ne peut pas leur faire confiance, parce que ce ne serait pas la première fois qu'ils apposent leur signature sur un document et qu'ils le violent allègrement», a ajouté le leader du PARENA.
Le texte prévoit la création d'Assemblées régionales mais, comme le souhaitait Bamako, ni autonomie ni fédéralisme.
Le nord du Mali est tombé en 2012 sous le contrôle de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, après la déroute de l'armée face à une rébellion, d'abord alliée à ces groupes qui l'ont ensuite évincée.
Les jihadistes ont été dispersés et partiellement chassés de cette zone par une opération militaire internationale lancée en janvier 2013 à l'initiative de la France, et toujours en cours. Mais d'entières portions du territoire échappent encore au contrôle de Bamako.