Accusée d'avoir laissé mourir de soif une fillette yazidie réduite en esclavage en Irak, une Allemande membre du groupe jihadiste Etat islamique (EI) a été condamnée lundi à dix ans de réclusion par un tribunal de Munich.
Jennifer Wenisch, 30 ans, a notamment été reconnue coupable de "crime contre l'humanité ayant entraîné la mort" et d'appartenance à une organisation terroriste, dans l'un des premiers procès au monde à juger un crime de guerre contre les Yazidis, minorité kurdophone persécutée par les jihadistes.
Vêtue d'un pull noir, sa longue chevelure brune détachée, la jeune femme n'a pas réagi à l'annonce de sa condamnation, plus clémente que la réclusion à perpétuité réclamée par le parquet.
"Vous deviez savoir dès le départ qu'une enfant enchaînée sous un soleil de plomb serait en danger de mort", lui a lancé lundi le président de la Cour, Reinhold Baier.
Mais les juges ont également reconnu que l'ex-jihadiste "ne disposait que de possibilités limitées pour mettre fin à l'asservissement" des victimes, selon un communiqué du tribunal.
Cette Allemande originaire de Lohne, en Basse-Saxe (nord-ouest), avait gagné l'Irak en 2014 pour rejoindre "ses frères", comme elle l'a expliqué lors du procès entamé en avril 2019.
Pendant plusieurs mois, elle y a patrouillé, armée, au sein de la police des moeurs à Falloujah et Mossoul. Cette force veillait notamment au respect des règles vestimentaires et de comportement édictées par les jihadistes.
- Morte de soif -
A l'été 2015, elle et son mari d'alors, Taha Al-Jumailly, jugé à Francfort dans une procédure parallèle, ont acheté comme esclaves, parmi un groupe de prisonniers, une fillette de cinq ans et sa mère issues de la minorité yazidie.
Témoin clé des procès de Munich et Francfort, la mère survivante, qui vit désormais cachée en Allemagne, a livré à la barre le récit des sévices subis.
Après de nombreuses maltraitances, la petite fille a été "punie" par le mari de l'accusée pour avoir uriné sur un matelas, puis attachée, par des températures autour de 50°C, à une fenêtre à l'extérieur de la maison.
La fillette est morte de soif tandis que sa mère était contrainte de rester au service du couple.
Accusée d'avoir laissé faire sans intervenir, Jennifer Wenisch a affirmé à l'audience avoir "eu peur" que son compagnon "ne (la) pousse ou l'enferme".
Au cours du procès, la jeune femme n'a pas vraiment apporté d'explications sur son parcours de radicalisation.
Timide lors des premières audiences, elle s'est ensuite enhardie.
"On va faire de moi un exemple pour tout ce qui s'est passé sous l'EI. Il est difficile d'imaginer que cela soit possible dans un État de droit", s'était-elle défendue, selon des propos cités par le journal Süddeutsche Zeitung.
- Sur écoute -
Elle avait été arrêtée par les services de sécurité turcs en janvier 2016 à Ankara puis extradée vers l'Allemagne.
Elle n'a été placée en détention qu'en juin 2018, après avoir été arrêtée en tentant de rejoindre de nouveau, avec sa fille de deux ans, les territoires que l'EI contrôlait encore en Syrie.
Durant cette tentative, elle a raconté sa vie en Irak à son chauffeur, qui était en réalité un informateur du FBI la conduisant dans une voiture équipée de micros. Le parquet a utilisé ces enregistrements pour l'inculper.
Ce procès est l'un des premiers concernant des crimes commis sur les Yazidis, minorité kurdophone du Nord de l'Irak.
En octobre 2020, une Germano-Tunisienne, épouse d'un jihadiste, avait été condamnée par un tribunal allemand à trois ans et demi de prison pour avoir notamment contribué à réduire à l'état d'esclave une jeune Yazidie lorsqu'elle séjournait en Syrie.
Deux autres Allemandes rapatriées depuis 2020 des territoires de l'EI sont soupçonnées de complicité de crimes contre l'humanité en lien avec les exactions commises contre la minorité yazidie.
Cette communauté ethno-religieuse yazidie a été particulièrement persécutée par les jihadistes, qui ont réduit ses femmes à l'esclavage sexuel, enrôlé de force des enfants-soldats et tué des hommes par centaines.