Tu ne m’avais jamais fait souffrir. Pourquoi le fais-tu aujourd’hui ? Pourtant ni à Kigali au milieu de faux-frères, ni à Arusha au milieu de fauves blessés tu ne m’as laissé tomber ! Oui, on ne comprendra jamais assez. Tu n’y es pour rien, aujourd’hui, c’est le nuage fatal qui t’emporte et mon cœur est trop surpris pour comprendre ce départ inopiné.
Peut-on vraiment avoir des mots pour dire de la perte d’un ami, d’un frère, d’un compagnon de route comme Ephrem ? Non, sans doute, à moins qu’il ne soit possible d’aller les puiser au fin fond de cette âme sincère, de cet esprit alerte, de ce cœur pur, pétri d’amour et fermé aux petitesses de son temps embourbé dans la haine et la discorde.
Oui, sans le savoir ni vouloir le faire pour plaire, tant il a toujours été spontané, que de clichés, de barrières ou de préjugés son sourire et son sempiternel NON ont-ils fait tomber sans casse !
Quand on s’est rencontré en 1991 à Radio Rwanda, chasse gardée du régime Hutu [du président Juvénal Habyarimana, ndlr], il avait été le seul qui eut encore préservé un petit coin du vivre-ensemble pour m’avertir de temps à autre des dangers qui me guettaient, dont des reportages-pièges. En moi et en d’autres indexés [à une époque où les Tutsis et les Hutus modérés étaient mis à l’écart, ndlr], il voyait ses semblables. Un vivre-ensemble qui l’a aidé à faire la différence au milieu de la tourmente et de la dérive humaine de 1994.
Quand je l’ai revu à son retour d’exil, cette histoire écrite de sa vie avait plaidé, plus que nos témoignages, pour la confiance et sa réintégration sous un ciel que la plupart de ses collègues avaient fui sans retour, poursuivis par « l’œil de Caïn » de la vengeance et de la culpabilité.
Si pour Jean-Paul Sartre, « choisir c’est mourir », les choix d’Ephrem sont venus plutôt prouver que « choisir c’est vivre », éternellement par l’histoire écrite à l’encre de sa vie, par son humour, son intelligence. Des choix, cette sorte de cordon ombilical qui le lie à Diane, Rémy, Nancy… ses enfants, et à la grande famille de la Fondation Hirondelle qu’il a tant illuminée de sa sagesse, de ses prises de position, de son humanisme et surtout de son professionnalisme.
Plaise au ciel que son étoile continue de briller pour ceux qui ont besoin d’apprendre, de comprendre et d’aimer. Les gens de bien ne meurent pas, ils s’esquivent pour voir ce que nous faisons de leur don d’eux-mêmes.
Ainsi Ephrem, repose-toi en paix, frère bien aimé, tu as beaucoup œuvré !