Le chef des services de renseignement rwandais arrêté à Londres à la demande de l'Espagne

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La justice espagnole a lancé mardi la procédure de demande de remise à l'Espagne du chef des services de renseignement du Rwanda, le général Emmanuel Karenzi Karake, une figure-clé du régime de Paul Kagame, arrêté par la police britannique samedi à Londres.

Le parquet de l'Audience nationale espagnole, en charge notamment des affaires de terrorisme, a demandé à un tribunal de cette même juridiction de solliciter des autorités britanniques la remise à l'Espagne du militaire rwandais.

Londres et Madrid ont fourni des explications différentes sur les motifs de l'interpellation de ce général de 54 ans, qui doit de nouveau comparaître jeudi devant un tribunal britannique.

L'arrestation a été réalisée "en vertu d'un mandat d'arrêt européen émis par les autorités en Espagne, où il est recherché dans le cadre de crimes de guerre contre des civils", a indiqué un porte-parole de Scotland Yard.

Une source judiciaire espagnole à Madrid a toutefois précisé que le général Karenzi Karake, alias KK, n'était plus poursuivi pour crimes de guerre - chefs d'inculpation classés fin 2014 - mais qu'il doit répondre de "crimes de terrorisme".

Le général rwandais a comparu devant un tribunal londonien dès samedi après-midi et a été placé en détention provisoire jusqu'à jeudi.

Karenzi Karake est considéré comme l'un des acteurs de premier plan de l'ancienne rébellion à dominante tutsi du Front patriotique rwandais (FPR, aujourd'hui au pouvoir) de Paul Kagame. Il fut aussi en 2008-2009 le numéro deux de la Minuad, la mission de paix ONU-Union africaine déployée au Darfour, dans l'ouest du Soudan.

- Neuf Espagnols -

Son arrestation a été qualifiée d'"inacceptable" par la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo.

Par ailleurs, le ministre de la Justice du Rwanda Busingye Johnston a annulé mardi une visite en Espagne, où il devait être reçu par son homologue espagnol Rafael Catala, a-t-on appris auprès des autorités espagnoles.

La justice espagnole enquête depuis 2008 sur la disparition ou la mort de neuf Espagnols au Rwanda, et notamment sur le décès en janvier 1997 de trois travailleurs humanitaires de Médecins du Monde.

Elle avait émis un acte d'accusation visant 40 responsables rwandais dont Emmanuel Karenzi Karake, pour des faits de génocide, crimes de guerre, crimes contre l'humanité et terrorisme en lien avec le conflit rwandais.

Selon cet acte, le général Karake aurait "eu connaissance et approuvé le massacre de civils entre 1994 et 1997 dans les villes de Ruhengeri, Gisenyi et Cyangugu, y compris la mort de trois travailleurs humanitaires espagnols".

En octobre 2014, le juge en charge de l'affaire, Fernando Andreu, avait notifié la fin de son instruction.

Dans l'intervalle, les volets ayant trait au génocide, aux crimes contre l'humanité et aux crimes de guerre ont été classés, en application d'une nouvelle législation restreignant la portée de la loi sur la justice universelle en vigueur en Espagne.

Seul le volet de l'enquête pour des crimes de terrorisme concernant la mort ou la disparition des neuf Espagnols est resté valide.

- Thèse 'révisionniste' -

Karenzi Karake faisait partie du cercle très restreint des chefs militaires de haut rang du FPR qui a mis fin au génocide de 1994 et dirige le pays depuis lors d'une main de fer.

Le génocide déclenché en avril 1994 par le régime extrémiste hutu a fait 800.000 morts, essentiellement dans la minorité tutsi.

Le FPR est accusé de crimes contre des civils au Rwanda durant et après son offensive victorieuse sur Kigali, ainsi que, des années plus tard, dans des camps de réfugiés rwandais de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), que Kigali accusait d'héberger des "génocidaires".

Pour Kigali, ces accusations s'inscrivent dans la thèse révisionniste d'un "double génocide" qui accréditerait l'idée d'un génocide commis par le FPR contre les Hutu, afin de minimiser le génocide des Tutsi.

Un haut responsable du ministère rwandais des Affaires étrangères a d'ailleurs rejeté le mandat d'arrêt en déclarant à l'AFP: "C'est une horreur. Avec toutes les pires théories conspirationnistes".

Ce n'est pas la première fois qu'une personnalité est arrêtée au Royaume-Uni à la suite d'un mandat émis par l'Espagne.

En 1998, le dictateur chilien Augusto Pinochet, inculpé par le juge espagnol Baltasar Garzon pour les crimes commis par sa junte militaire, avait été interpellé à Londres. Mais après plus d'un an d'imbroglio judiciaire, Londres avait renoncé à l'extrader, alléguant de sa santé fragile, et lui avait permis de rentrer au Chili.

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