« Savez-vous comment on appelle aussi la RTBF ? Radio Mille Collines », déclare M. Leterme dans cet entretien aux quotidiens « Het Belang van Limburg » et « Gazet van Antwerpen ». La RTLM a été créée un an avant le génocide qui fit plus de 800 000 morts ; elle alternait programmes musicaux et, notamment, des appels au massacre des Tutsis.
Cette nouvelle « gaffe » de M. Leterme – il en est en effet coutumier – intervient dans un contexte tendu, alors que la Belgique, plus de six mois après les élections législatives de juin dernier, est toujours sans gouvernement suite aux importants désaccords politiques entre Flamands néérlandophones et Wallons francophones.
M. Leterme, après une émission de mercredi dernier sur les coulisses des négociations gouvernementales, estime que la RTBF, qu’il qualifie de « chaîne de propagande » pour certains francophones, donne une présentation partiale des positions flamandes et notamment de son parti le CD&V.
Il a par la suite précisé ses déclarations, assurant n’avoir fait que rapporter des propos entendus. « Quelqu’un [parmi « certains collègues politiques »] a comparé ce que faisait la RTBF, une certaine approche tendancieuse, avec la Radio Mille Collines : bien sûr, la gravité des faits au Rwanda est sans aucune comparaison », a-t-il dit dans « La Libre Belgique » de lundi.
Les réactions ont cependant été très vives. Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement en affaires courantes, Karel de Gucht (Open-Vld, parti libéral flamand), a ainsi estimé que M. Leterme avait « déraillé », même s’il ne pense pas qu’il « avait l’intention de banaliser le génocide rwandais ».
La plupart des partis politiques flamands comme francophones ont condamné ces propos. « C’est très grave. Nous exigeons que M. Leterme présente ses excuses, non seulement à la RTBF mais aussi aux familles des victimes du génocide », a par exemple demandé le parti Groen ! (écologistes flamands).
Sur la chaîne RTL-Tvi, le sénateur Francis Despérée (CDH, chrétiens-démocrates francophones), a demandé lui aussi un « message » pour la communauté rwandaise : « Les victimes et les survivants du génocide doivent se sentir salis d’avoir été impliqués dans une médiocre querelle belgo-belge. »
En revanche, le parti d’Yves Leterme, le CD&V, a parlé d’une campagne de « diabolisation », par les francophones, de « M. 800 000 voix » (le nombre de voix qu’il a obtenues lors des dernières élections), associé en cartel avec les séparatistes flamands de la N-VA.
La Société des journalistes de la RTBF a également dénoncé « avec la plus grande fermeté », dans un communiqué, cette analogie avec une radio célèbre pour ses appels à la haine. Dénonciation à laquelle se sont joints des chaînes privées et l’Association des journalistes professionnels belges (AJP).
Enfin, le commissaire européen belge Louis Michel, de retour du sommet UE-Afrique de Lisbonne, a rapporté que des chefs d’Etat africains avaient été choqués par les déclarations d’Yves Leterme, selon l’agence Belga. « Ou bien il ne connaît pas l’histoire ou bien, s’il la connaît, c’est grave et inacceptable », a-t-il jugé.
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