Jugé depuis le 25 septembre 2006, Siméon Nshamihigo, 48 ans, était substitut du procureur à Cyangugu dans le sud ouest du Rwanda en 1994. Il plaide non coupable.
Les juges se sont retirés après avoir entendu le réquisitoire du procureur et les plaidoiries de la défense. Le président de la chambre, Dennis Byron, un magistrat de Saint-Kitts et Nevis, également président du TPIR, a déclaré que les parties seront informées de la date du prononcé du jugement « en temps opportun ».
Nshamihigo répond de massacres de Tutsis réfugiés dans plusieurs endroits à Cyangugu, notamment dans des églises.
Le responsable de la poursuite dans ce procès, Alphonse Van (Côte d’ivoire), a requis l’emprisonnement à vie pour Nshamihigo, la peine maximale au TPIR.
« Cet homme est impardonnable. Il n’a droit à aucune émotion, à aucune faveur. Je vous prie de ne pas vous fier aux apparences. Ce bel homme aux épaules d’athlète et à la calvitie de savant est un criminel », a déclaré Alphonse Van. « Je demande qu’il soit appliqué à cet homme la peine d’emprisonnement à vie. Aucune circonstance atténuante ne lui est permise », a-t-il ajouté.
Aphonse Van avait auparavant présenté Nshamihigo comme « un défenseur inconditionnel du hutuisme. » « Il est Hutu, il ne peut être autre chose. Il ne peut pas accepter les Tutsis », a allégué Alphonse Van. Pendant environ deux heures, Van et ses collègues se sont succédé pour évoquer notamment la planification des crimes à Cyangugu, l’enlèvement des réfugiés au stade Kamarampaka, les massacres dans des églises, les assassinats de personnes ciblées. « M. Nshamihigo était le principal architecte des actes posés par les miliciens et notamment des massacres à Cyangugu », a insisté l’équipe de la poursuite.
Les avocats de la défense, les Canadiens Me Denis Turcotte et Me Henry Benoît, ont dénoncé « l’incongruité » des témoins à charge et ont demandé l’acquittement. « Nous pensons que dans le présent procès, la chambre a amplement d’éléments pour acquitter Nshamihigo », a dit Me Denis Turcotte. « Plusieurs témoins du procureur ont placé Siméon Nshamihigo à des endroits différents au même moment », a-t-il dit. « Je lui attribue la médaille d’or pour la contradiction de ses témoins », a-t-il ironisé.
Me Henry Benoît a pour sa part indiqué que le procureur n’avait pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable la culpabilité de Nshamihigo. « Les jugements des tribunaux internationaux doivent s’élever au-delà de la rumeur, des préjugés », a-t-il argumenté. « Le rôle des tribunaux pénaux internationaux est de rationaliser les horreurs, le deuil, les blessures et le désir de vengeance souvent compréhensible des victimes » en appliquant la loi, selon Me Henry Benoît.
Prenant la parole à la fin des débats, Nshamihigo a clamé son innocence avant de regretter « la tragédie qui a endeuillé le Rwanda suite à l’assassinat du président et à la reprise de la guerre qui fortuitement ont poussé les Rwandais à s’entretuer ».
Nshamihigo a été arrêté en mai 2001 à Arusha alors qu’il travaillait, sous une fausse identité comme enquêteur de la défense pour un accusé devant le TPIR.
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