"Tout au long de ses activités, la TRNUC a manqué cruellement de ressources et a été dotée de seulement quelque 16 employés locaux et six prestataires de services. Alors qu'elle se rapproche de la fin de ses activités, le 9 août 2022, elle s'efforce de prendre des décisions sur quelque 372 plaintes, de préparer son rapport final, de traiter les éventuelles pétitions d'amnistie et de finaliser sa politique de réparation en étroite consultation avec ses plaignants", explique Gabrielle McIntyre, l'avocate australienne à la tête de la Commission créée en 2019.
Les deux dernières audiences se sont tenues le 7 avril. Depuis qu'elle a commencé ses auditions, la Commission a entendu 361 des 374 plaintes recevables concernant des violations des droits humains commises pendant la période du parti unique (1977-1992). Bien que de nombreuses affaires aient été examinées, il en reste 11 qui ont été considérées comme dormantes "en raison d'un manque de réactivité de la part des plaignants aux tentatives de la Commission de les programmer pour une audience", explique McIntyre à Justice Info.
Après la victoire de la coalition d'opposition aux élections parlementaires de septembre 2016, qui a constitué le premier changement de pouvoir politique aux Seychelles en 40 ans, la Commission pour la vérité, la réconciliation et l'unité nationale (TRNUC) a été conçue comme un véhicule qui apporterait de la clarté sur les événements survenus dans l'État insulaire de l'océan Indien après le coup d'État qui a eu lieu le 5 juin 1977.
À cette date, France Albert René a renversé le président James R. Mancham. Depuis lors, de nombreux témoignages ont mis à jour des violations des droits humains résultant du coup d'État, telles que des disparitions de citoyens, des saisies illégales de terres et des exils forcés vers des pays comme le Royaume-Uni, l'Australie et le Canada.
266 jours d'audiences
Cependant, trois ans plus tard, la Commission doit encore convaincre la population des Seychelles de son approche, déclare Lucianne Sophola, responsable de l'Association pour les droits, l'information et la démocratie (ARID). "Après tous ces entretiens, ils doivent avoir une idée ou une recommandation sur ce qui doit être fait", pense-t-elle. La TRNUC doit encore préciser, par exemple, si les "auteurs devront payer des compensations pour les dommages causés ou s'ils seront poursuivis en justice".
De nombreux plaignants ont affirmé qu'ils voulaient seulement apprendre la vérité sur ce qui s'est réellement passé depuis le jour du coup d'État jusqu'aux demandes ultérieures de victimisation, rappelle Sophola. Toutefois, l'incertitude règne quant à savoir si les "victimes recevront des excuses publiques ou si les défunts auront droit à un enterrement correct".
La question de l'indemnisation des personnes qui ont subi diverses formes de victimisation reste également à clarifier. La représentante de l'ARID s’interroge sur le fait que, bien que le mandat de la TRNUC prenne fin en août, "il semble qu'elle soit encore en phase de consultation, alors comment pouvons-nous juger de ses réalisations ?"
Au total, la Commission a tenu 266 jours d'audiences et entendu les témoignages de plus de 1200 plaignants, témoins et suspects. Sur les 361 plaintes entendues, la Commission a finalement statué sur 46 d'entre elles, 21 sont en cours de délibération, tandis que 30 autres sont en préparation. Il en reste donc un peu moins de 200 à traiter, précise sa présidente.
"La charge de travail est lourde. Compte tenu des contraintes de temps et de ressources, toutes les plaintes de la Commission ne seront pas traitées avec le détail que la Commission aurait souhaité", déclare McIntyre. "À cet égard, la Commission a concentré ses décisions motivées sur les cas les plus graves et certaines comptent jusqu'à 150 pages. D'autres plaintes seront déterminées sans que le processus de raisonnement de la Commission ne soit exposé dans son intégralité."
"En outre, la Commission travaille avec les victimes individuelles et les auteurs individuels en vue de la réconciliation et en préparation d'une éventuelle procédure d'amnistie", ajoute McIntyre.
Débat houleux sur la politique de réparation
Mais le dernier travail de la TRNUC, qui a provoqué un tollé, a été la création d'un groupe de réflexion sur les réparations pour l’aider à définir sa politique en la matière. À la suite de la réunion plénière des victimes organisée par la Commission le 26 avril, à Mahé, l'île principale des Seychelles, de nombreux citoyens ont pris la parole sur les médias sociaux pour décrier les demandes formulées. "Où le pays va-t-il trouver 15 à 10 millions de SCR [1,2 million de dollars] pour payer les plus de 100 victimes qui doivent être indemnisées à la suite des atrocités qu'elles ont subies après le coup d'État ?", demande Sophola.
"La Commission doit être réaliste quant à ce qui peut être réalisé au cours de ces trois derniers mois d'activité, mais elle fait tout son possible pour s'assurer que toutes les plaintes déposées font l'objet d'une décision et que son rapport final reflète ses conclusions. Elle fait également tout son possible pour s'assurer que les droits de la défense des personnes reconnues coupables de violations des droits humains soient pleinement respectés, en leur notifiant le statut d'auteur et en leur expliquant la procédure d'amnistie", déclare McIntyre.
"L'ampleur des obstacles et des problèmes rencontrés par la Commission sera rapportée dans son rapport final", poursuit-elle, rappelant qu'elle avait demandé au ministère des Finances un budget supplémentaire pour que la Commission puisse mieux remplir son mandat - avant que le budget annuel du pays ne soit approuvé par l'Assemblée nationale. Le gouvernement a rejeté cette demande en raison des difficultés économiques auxquelles il était confronté du fait de la pandémie de Covid-19.
"Compte tenu de sa charge de travail et de ses contraintes, le rapport final de la Commission ne sera pas aussi complet qu'elle l'aurait souhaité", prévient McIntyre.