Protais Mpiranya, le fugitif le plus recherché par la justice pour son rôle dans le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, est décédé en 2006, ont annoncé jeudi les procureurs de l'ONU enquêtant sur l'affaire.
"A la suite d'une enquête difficile et intensive, le Bureau du Procureur a pu déterminer que Mpiranya est mort le 5 octobre 2006 à Harare au Zimbabwe", a indiqué le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI) dans un communiqué.
En cavale depuis 2000, Protais Mpiranya était depuis l'arrestation en 2020 de Félicien Kabuga, régulièrement présenté comme le financier du génocide, le fugitif rwandais le plus recherché par la justice pour son implication présumée dans le génocide, où il commandait alors la très puissante garde présidentielle.
M. Mpiranya avait été inculpé en 2000 par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) de 8 chefs de génocide, complicité dans le génocide, assassinat, extermination, viol, persécution, d'autres actes inhumains constitutifs de crimes contre l'humanité, et meurtre.
Il était notamment accusé, avec d'autres, d'avoir fait tuer le 7 avril 1994, aux premières heures du génocide des Tutsi, la Première ministre hutu modérée Agathe Uwilingiyimana, dix Casques bleus belges chargés de sa protection et plusieurs personnalités politiques de premier plan, ainsi que leurs familles et domestiques.
Après la publication de l'acte d'accusation par le TPIR en 2002, Mpiranya s'était enfui au Zimbabwe, où il vécut jusqu'à sa mort en 2006, à 50 ans, des suites d'une tuberculose pulmonaire, a précisé le tribunal.
Sa présence au Zimbabwe, et plus tard son décès, furent délibérément dissimulées grâce aux efforts concertés de sa famille et de ses associés, a-t-il ajouté.
"Ils ont à plusieurs reprises fourni de fausses déclarations aux enquêteurs, et ont incité ceux qui avaient connaissance de sa présence et de sa mort à Harare à faire de fausses déclarations en cas d'audition", a indiqué le tribunal.
Mais "malgré leurs efforts continus à entraver les recherches, l'identification de la dépouille de Mpiranya a pu être réalisée au début de cette année", a-t-il souligné.
On estime que 800.000 Tutsi et Hutu modérés ont péri en 100 jours de massacre en 1994 au cours desquels des miliciens hutu ont massacré des Tutsi se cachant dans des églises et des écoles.
"Pour les victimes de ses crimes, Mpiranya était un fugitif redouté et notoire", a salué le procureur du tribunal Serge Brammertz, soulignant que "la confirmation de sa mort apporte la consolation de savoir qu'il ne pourra plus jamais nuire à autrui".
Il ne manque désormais plus que cinq fugitifs sous la juridiction du Mécanisme, a souligné le tribunal onusien.
Angoisse d'être capturé
Après la défaite des forces armées rwandaises (FAR) et la fin du génocide en juillet 1994, a commencé pour ce haut responsable un long chemin d'exil qui le mènera dans plusieurs pays africains.
Selon le tribunal, M. Mpiranya se bat en 1998 aux côtés des forces armées congolaises contre des rebelles congolais soutenus par la nouvelle armée rwandaise.
Après la signature d'un accord de paix en juillet 2002 en Afrique du Sud, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), composées pour partie d'anciens génocidaires, sont déclarées indésirables en République démocratique du Congo.
En septembre 2002, Tharcisse Renzaho, supérieur direct de M. Mpiranya, est arrêté et transféré au TPIR. Dans le même mois, le tribunal onusien émet publiquement un acte d'accusation et un mandat d'arrêt contre Mpiranya.
Craignant d'être capturé, Mpiranya fuit vers le Zimbabwe à la fin de l'année 2002. Pendant les quatre années suivantes, il trouve refuge dans un quartier plutôt aisé d'Harare.
Ses dernières années furent néanmoins marquées par l'angoisse et la peur d'être découvert et d'être jugé pour ses crimes, a précisé le tribunal.
Après sa mort des suites d'une tuberculose pulmonaire, M. Mpiranya a été enterré dans un cimetière en dehors d'Harare sous un alias, celui de Ndume Sambao.