La plus haute responsable de l'ONU pour les droits humains se rendra dans le Xinjiang la semaine prochaine, où Pékin est accusé de persécuter la minorité ouïghoure. Une visite à haut risque déjà critiquée par les Etats-Unis, qui lui reprochent son inaction.
La visite de Michelle Bachelet en Chine - du 23 au 28 mai - est des plus attendues. Il s'agit de la première dans le pays d'un Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme depuis celle, en 2005, de la Canadienne Louise Arbour.
L'ancienne présidente chilienne, 70 ans, réclame un accès à toutes les régions de la Chine depuis son arrivée au Haut Commissariat en 2018.
Dès son premier discours, elle avait signalé les "allégations profondément inquiétantes de détentions arbitraires à grande échelle d'Ouïghours et d'autres communautés musulmanes, dans des camps de rééducation dans la région du Xinjiang".
- Camps de travail -
Selon des organisations de défense des droits humains, au moins un million de Ouïghours et de membres d'autres minorités turcophones, principalement musulmanes, sont ou ont été incarcérés dans des camps dans le Xinjiang. Les Etats-Unis y dénoncent même un "génocide".
Pékin conteste, affirmant qu'il s'agit de centres de formation professionnelle destinés à les éloigner du terrorisme et du séparatisme, après de nombreux attentats meurtriers attribués à des islamistes ou séparatistes ouïghours.
Mme Bachelet a demandé sans relâche un "accès significatif et sans entrave" à cette région. Mais Pékin refusait jusqu'ici toute idée d'enquête de l'ONU au Xinjiang, réclamant que toute visite dans la région soit "amicale".
Après des années de tractations, l'ONU et Pékin ont fini par trouver un terrain d'entente pour organiser la visite, mais les détails n'en ont pas été rendus publics. Certains pays, comme les Etats-Unis s'inquiètent de ce manque de transparence qui pourrait laisser trop de marge de manoeuvre aux autorités chinoises.
"Nous sommes très préoccupés par la prochaine visite", "nous ne nous attendons pas à ce que la République populaire de Chine garantisse l'accès nécessaire pour mener une évaluation complète et sincère de la situation des droits humains au Xinjiang", a réagi le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price.
La directrice en Chine de Human Rights Watch (HWR) a aussi estimé "peu crédible" que le gouvernement chinois permette à l'émissaire "de voir tout ce qu'il ne veut pas qu'elle voie, ou qu'il permette aux défenseurs des droits humains (...) de lui parler sans surveillance et sans crainte de représailles".
- Kashgar et Urumqi -
Ce voyage n'est pas sans risque pour Michelle Bachelet, dont le mandat touche à sa fin sans que l'on sache encore si elle envisage d'en briguer un second.
Son "héritage" et sa "crédibilité" dépendront de "sa volonté de tenir" la Chine "pour responsable des crimes contre l'humanité commis", soutien Sophie Richardson de HRW.
Sans attendre, Washington a déploré ses atermoiements, illustrés selon Ned Price par la publication qui se fait attendre d'un rapport sur le Xinjiang "malgré les garanties répétées".
"Nous appelons la Haute Commissaire à publier le rapport sans délai et sans attendre la visite", a-t-il insisté, condamnant son "silence persistant face aux preuves accablantes d'atrocités".
Mais une porte-parole a expliqué récemment qu'il ne serait pas publié avant le départ de Mme Bachelet en Chine, puisqu'il contiendra des éléments de sa visite. Comme tous les rapports du Haut Commissariat, il sera soumis pour considération au pays concerné, afin que Pékin puisse exprimer son point de vue.
Durant sa visite, elle "va rencontrer un certain nombre de hauts responsables nationaux et locaux", souligne un communiqué de ses services, qui précise qu'elle se rendra à Canton mais aussi au Xinjiang à Kashgar et Urumqi, la capitale régionale.
Cinq personnes de son équipe se trouvent dans le pays depuis le 25 avril pour préparer sa venue. Elles ont pu se rendre notamment au Xinjiang, après une quarantaine -- dont sera toutefois dispensée Mme Bachelet, en tant que visiteur officiel de haut rang.
L'émissaire publiera un communiqué et donnera une conférence de presse sur place à la fin de son séjour le 28 mai.