La Cour interaméricaine des droits de l'Homme épingle le Pérou pour la grâce de Fujimori

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La Cour interaméricaine des Droits de l'homme a épinglé vendredi le Pérou pour avoir gracié l'ancien président Alberto Fujimori, qui purgeait une peine de 25 ans de prison pour crimes contre l'humanité, sans toutefois réclamer le retour de l'intéressé derrière les barreaux.

En accordant cette grâce, fin 2017, à M. Fujimori, qui n'avait alors purgé que 12 ans de prison, les autorités péruviennes ont failli à leur devoir d'enquêter et de juger les responsables de massacres par des escadrons de la mort, a estimé l'institution judiciaire basée à San José, au Costa Rica.

Pour autant, la Cour - dont les décisions s'imposent à ses Etats membres - n'a pas ordonné que l'ancien chef de l'Etat retourne en prison, comme le réclamaient les familles des victimes. Pour ces dernières, la grâce accordée à M. Fujimori résultait d'un "accord politique" conclu avec son successeur Pedro Pablo Kuczynski - qui a depuis démissionné en mars dernier.

Alberto Fujimori, qui a tenu le pays d'une main de fer de 1990 à 2000, purgeait une peine de 25 ans de prison pour crime contre l'humanité et corruption lorsqu'il a été gracié le 24 décembre pour raisons de santé. Il avait été reconnu coupable d'avoir commandité deux massacres perpétrés par un escadron de la mort en 1991-1992.

Cette libération anticipée au bout de 12 ans a déclenché une crise politique et de vives protestations d'organisations de défense des droits humains et des victimes de la répression du régime Fujimori.

Le gouvernement péruvien a réagi vendredi en affirmant qu'il allait procéder à une "analyse sérieuse et approfondie" du jugement de la Cour interaméricaine, et qu'il le respecterait.

La cour de San José se prononçait sur la grâce accordée à Alberto Fujimori après avoir rendu en 2001 et 2006 deux jugements sur les tueries concernées. Dans les deux cas, elle a condamné l'Etat péruvien, jugé responsable.

La Cour a précisé qu'elle continuait à vérifier dans quelle mesure Lima se conformait aux mesures de réparation qui lui ont été imposées dans le cadre de ces condamnations. Parmi ces mesures, on compte la nécessité d'enquêter pour identifier les responsables, ainsi que l'indemnisation des familles des victimes.

Pour le Centre pour la Justice et le Droit international (CEJIL), basé à Washington, "la justice péruvienne devra déterminer si la grâce" accordée à M. Fujimori "porte atteinte aux droits des victimes et de leurs proches".

"Au-delà de l'état de santé de l'ancien président du Pérou, il faut prendre en compte d'autres facteurs" comme le nombre d'années de prison déjà purgées, ou la manière dont le condamné collabore en vue d'établir la vérité sur les faits, a précisé le CEJIL.

Un tribunal péruvien a ordonné en février qu'Alberto Fujimori soit à nouveau jugé, cette fois pour le meurtre de six paysans en 1992. Un crime qui ne peut être gracié pour raisons humanitaires, selon la justice.