Le transfèrement à la CPI de Al Hassan, ancien chef de la police islamique et des mœurs de Tombouctou, défraie la chronique au Mali. Poursuivi pour crimes de guerre et crimes l’humanité, sa première comparution a eu lieu aujourd’hui.
La Cour pénale internationale fera comparaître pour la première fois, ce mercredi 4 avril 2018, Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud, poursuivi pour « crimes de guerre et crimes contre l’humanité ». Les autorités maliennes l’ont remis à la CPI, le 31 mars, en exécution d’un mandat d’arrêt délivré le 27 mars 2018. Au cours de cette comparution, selon la Cour, le juge unique, Marc Perrin de Brichambaut, « vérifiera l'identité du suspect et la langue dans laquelle il pourra suivre les procédures. Le suspect sera informé des charges portées à son encontre. » Et de deux ! La nouvelle s’est propagée comme une traînée de poudre, le samedi 31 mars. « Al Hassan » a été transféré à la Cour pénale internationale. Après la condamnation d’Ahmad Al-Faqi Al-Mahdi, alias « Abu Turab », inculpé pour la destruction du patrimoine historique de Tombouctou pendant l’occupation d’Ansardine de l'islamiste Iyad Ag Ghaly et d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, Al Hassan est le deuxième djihadiste malien remis à la CPI. A la différence près que la Cour, qui s’était plutôt intéressée aux « allégations relatives aux attaques dirigées contre les lieux de culte et les monuments historiques, notamment ceux qui sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial » au Mali, semble déterminée à aller au-delà. Pour la première fois, ses poursuites concernent les crimes de guerre et crimes contre l'humanité contre les personnes physiques.
Chef de la police islamique
Arrêté par les forces françaises de Barkhane en avril 2017, Al Hassan était détenu au Mali. Age de 41 ans, ce natif de Hangabera, localité située au nord de Goundam (Tombouctou) a fait office de chef de la police islamique et des mœurs au sein d’Ansardine en 2012, à Tombouctou. « Il aurait aussi participé à la politique de mariages forcés dont des tombouctiennes ont été victimes, qui ont donné lieu à des viols répétés et à la réduction de femmes et de jeunes filles à l'état d'esclaves sexuelles. », indique la Cour dans son communiqué. A Bamako, plusieurs organisations de défense des droits humains ont salué dans un communiqué, le 1er avril 2018, ce transfèrement comme « une étape importante pour la justice ». En 2015, Al Hassan faisait partie des présumés auteurs de crimes contre l’humanité contre lesquels ces organisations avaient déposé une plainte au niveau du tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako. Ce tribunal a été dessaisi des plaintes, en 2015, après que la cour suprême eut restitué aux juridictions du nord leur pouvoir. « Mais ces plaintes n’ont pas bougé », affirme Me Drissa Traoré, coordinateur projet conjoint à la FIDH-AMDH, qui pointe par ailleurs des difficultés liées à l’insécurité au nord et au déficit de volonté politique. Pour lui, « Al Hassan aurait pu être jugé par la justice nationale qui a jugé Aliou Mahamar Touré. » Le 18 août 2017, Aliou Mahamar Touré surnommé « le coupeur de main », l’ex-commissaire de la police islamique du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), à Gao, a été condamné par la Cour d’assises de Bamako à 10 ans de prison pour « crimes de guerres ».
Insuffisances du système judiciaire malien
Au Mali, le Pôle spécialisé en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale au tribunal de la commune VI n’a pas non plus les compétences requises, car la loi portant sa création ne fait pas mention des crimes internationaux, selon une source proche du ministère de la justice où une relecture du code des procédures pénales est en cours et pourrait déboucher sur un élargissement des compétences du pôle. « Mais, c’est beaucoup plus compliqué que ça et la volonté seule ne suffit pas, confie Modibo Sacko, chercheur sur les questions relatives aux droits humains. Il ne faut pas oublier la complémentarité entre la CPI et la justice malienne ». « L’alternative aurait été qu’on donne la latitude au Tribunal de grande instance de la commune III de continuer à instruire les dossiers relatifs aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité, et après on transmet à la chambre d’accusation de la cour d’appel », explique Me Drissa Traoré. « Il est important qu’il y ait plus de volonté politique », ajoute l’avocat, qui déplore que plus d’un an après le procès Sanogo, plus d’un an après sa suspension, n’ait toujours pas repris, renforçant le sentiment que sur le plan national beaucoup reste à faire.
Le transfèrement à la CPI de Al Hassan, après celui de Al Faqi, aux yeux de beaucoup, apparaît comme l’arbre qui cache la forêt des insuffisances du système judiciaire malien. A Tombouctou, des voix s’élèvent pour dénoncer le fait que d’anciens membres de la police soit toujours en liberté. Comme c’est le cas de Ag Alfousseyni Houka Houka, juge islamique de Tombouctou pendant l’occupation, inculpé par la justice malienne pour les crimes qu’il a commis. Il vit à Essakane dans la région de Tombouctou. Sanda Ould Boumama (ancien porte-parole d’Ansardine), libéré en 2015 par la Mauritanie, Amar Moussa sont en liberté…. « Al Hassan est un petit poisson qui va payer à la place des gros poissons. », confie cette habitante de Tombouctou.