« Nous demandons à ceux qui ont la charge de ce dossier qu’il ne soit plus reporté, les deux parties ont besoin de justice et elle doit se faire rapidement sinon elle ne servira pas les intérêts de ceux qui ont souffert au cours de la guerre de l’Armée de résistance du Seigneur. » Voici ce que disait Josephat Okello, une victime de la guerre de la LRA, alors que le procès de l’ancien commandant rebelle Thomas Kwoyelo s’ouvrait, le 12 novembre. Okello n’a pas été entendu. Au deuxième jour du procès, l’affaire a été ajournée jusqu’en février 2019 par la Division des crimes internationaux de la Haute cour ougandaise, siégeant à Gulu, capitale régionale et épicentre du conflit au cours duquel des milliers de personnes ont été tuées, mutilées, violées, enlevées et déplacées.
Kwoyelo n’a eu le temps que de nier sa responsabilité sur les 93 chefs d’accusation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité dressés contre lui par le procureur. Sa demande de mise en liberté sous caution a également été reportée au 18 janvier 2019. Ces reports ont provoqué la colère tant des victimes que de l’accusé lui-même.
« Nos gens sont morts mais ces gens-là s’en fichent »
« Je ne suis pas content, c’en est trop », déclare Kwoyelo en langue acholie et en portant la main à la poitrine avec une colère manifeste. « Ils veulent donc que je meurs en prison ? » demande-t-il en haussant le ton. Sa femme, Grace Auma, pleure tandis qu’on embarque son mari vers les cellules.
Tout comme Kwoyelo se bat pour recouvrer sa liberté, les victimes de la LRA poursuivent leur quête de justice et les retards de ce procès les prennent à rebrousse-poil. « Combien de temps cela va-t-il durer ? » demande Anna Maria Akello, une victime de la LRA âgée de 46 ans, alors qu’elle quitte la salle d’audience. « Nos gens sont morts, nos propriétés ont été pillées, nous sommes misérables et vivons de l’aumône mais ces gens-là s’en fichent. Ils continuent de reporter. Pourquoi ? » interpelle-t-elle. Un enfant attaché dans le dos, Akello raconte avoir perdu deux sœurs et un oncle lors d’une attaque de la LRA sur un village de Guruguru, dans le district d’Amuru, au nord de l’Ouganda, en 2005. « Nous avons été patients mais notre patience a des limites », ajoute-t-elle.
Pour George Wilson Otema, résident de Nwoya, un district voisin de Gulu, le procès Kwoyelo est un test décisif de la capacité de l’Ouganda à mener un dossier de cette ampleur. « Ces ajournements montrent notre état d’impréparation dans la prise en charge d’un cas aussi sensible », dit-il. « Cela fait bientôt dix ans que cette affaire a été ouverte [et] nous n’avançons pas. Nous voulons que cessent [ces reports]. Si le gouvernement n’est pas prêt pour rendre [justice], qu’il le dise et qu’on relâche [Kwoyelo] », ajoute-t-il. « Nous avons tout perdu, nos gens sont morts et nous devons encore nous remettre de cette expérience », souligne Otema en montrant une cicatrice au ventre qu’il dit avoir héritée d’une attaque des rebelles sur son village, en 2003 dans Kilak, région d’Amuru. Il ne veut pas préciser le nom exact du village ni accepter qu’on prenne une photographie de lui, par peur d’être identifié.
La faute à l’autre
William Byansi, avocat général, accuse la défense d’être responsable de ce report. « C’est très décevant. La défense opère des manœuvres dilatoires. Chaque fois que nous ajournons, c’est un coût additionnel pour le gouvernement qui a dépensé beaucoup d’argent dans ce dossier », affirme-t-il. « Notre espoir est que ces reports cessent. Le monde regarde et demande justice. » 120 témoins de l’accusation sont prévus pour témoigner à la reprise du procès.
La présidente de la chambre de première instance, Persis Jane Kiggundu, déclare que le report tient au fait que les documents concernant la caution de la défense ont été remis tardivement au procureur. Celui-ci a donc sollicité d’avoir le temps de les étudier. La seconde raison, selon elle, est que les avocats des victimes ont besoin de temps pour consulter les victimes enregistrées pour participer aux audiences. Henry Komakech Kilama, avocat des victimes, explique que « les victimes souhaitent un procès rapide mais elles doivent être consultées à chaque étape de la procédure. Nous allons maintenant les consulter ». Il refuse toutefois de dire combien de victimes ont prévu de témoigner contre Kwoyelo.
Pendant ce temps, les victimes et l’accusé attendent. « J’ai perdu ma mère, mon père, deux frères et un parent qui était venu nous rendre visite quand Otti [Vincent, ancien numéro deux de la LRA], a attaqué notre village dans l’Atiak. Nous espérons avoir l’occasion de raconter notre histoire car certaines personnes qui ont tué les nôtres, nous les connaissons », dit une victime, qui a demandé à ce que son nom ne soit pas divulgué pour raisons de sécurité. Elle refuse de dire si Kwoyelo est, selon elle, l’un de ces agresseurs. Mais elle ajoute : « Nous voulons qu’ils soient arrêtés et condamnés, ou alors qu’on les pende. »
Presiding Judge Persis Jane Kiggundu stated that the reason for the adjournment was that the Defense had presented the intended sureties documents late to prosecution. Hence, prosecution prayed to be given time to scrutinize the documents. The second reason, she said, was that the counsels for the victims needed to be granted some time to consult with the listed victims who should have attended the trial proceedings. Henry Komakech Kilama, the lawyer representing victims in the trial said: “The victims want an expeditious trial but they have to be consulted on every step in this matter. We are now going to consult them.” He however declined to discuss how many victims are expected to appear in court to testify against Kwoyelo.
Meanwhile, the victims and the accused wait. One of the victims who asked her name not to be disclosed for security reasons said: “I lost my mother, father, two brothers and a relative who had come to visit us when Otti [Vincent, former LRA Deputy Commander] attacked our village in Atiak. We are looking for an opportunity to tell our story on what happened because some of the people that killed our people, we know them.” She declined to say if she suspected Kwoyelo to be among the attackers. “We want them to be arrested and sentenced or they hang them,” she added.