« Je suis stressé », a avoué mercredi à l'audience le juge Dennis Byron, en annonçant que l'ancien officier rwandais pourrait être rejugé à partir du 9 février. Byron est d'autant plus inquiet que c'est lui qui, en sa qualité de président du TPIR, répond devant le Conseil de sécurité de la mise en application de la stratégie de fin de mandat de ce tribunal auquel l'ONU a demandé de terminer les procès en première instance d'ici à la fin de l'année.
La chambre avait fixé l'ouverture des débats au 12 janvier, en espérant en finir, en deux semaines, avec l'accusation et la défense, car le nouveau procès portera sur un fait unique, un discours que l'accusé aurait prononcé en mai 1994 au centre de négoce de Gikore, dans la préfecture de Butare (sud). Mais Muvunyi s'est retrouvé seul dans le prétoire, ses avocats américains William Taylor et Abbe Jolles, étant retenus par d'autres affaires dans leur pays.
Vers la fin de la matinée, c'est dans un autre décor que le président du tribunal est allé réitérer sa préoccupation. « 2009 sera une année très lourde de défis, probablement la plus ardue de toute l'histoire du tribunal ou, tout au moins, l'année qui connaîtra le plus grand volume de travail », a déclaré Byron à une réunion générale du personnel.
En effet, Muvunyi mis à part, 9 autres détenus entreront en procès au cours de l'année, sans oublier les 22 dont les affaires sont en cours ou en délibéré. Parmi ceux qui attendent de comparaître, figurent les quatre qui étaient visés par des demandes de transfert vers la justice rwandaise : le lieutenant Ildephonse Hategekimana, les ex- commerçants Yussuf Munyakazi et Gaspard kanyarukiga ainsi que le célèbre ancien maire Jean- Baptiste Gatete. Le TPIR misait sur les renvois au Rwanda pour alléger sa tâche mais les juges, tout en reconnaissant les « progrès remarquables » de la justice rwandaise, en ont, pour l'instant, décidé autrement.
Vient ensuite l'ancien patron de la filière thé, Michel Bagaragaza, que le procureur n'a pas réussi à faire juger dans un pays européen. Le souci principal en ce qui concerne ce proche de l'ex-président Juvénal Habyarimana n'était pas « la stratégie de fin de mandat ». Bagaragaza, qui a témoigné contre d'autres accusés du TPIR, dont Protais Zigiranyirazo, beau-frère de l'ex-chef de l'Etat, avait exigé, en échange de sa « collaboration » , d'être jugé loin d'Arusha et, de préférence, dans un pays où il ne risquerait pas une lourde peine.
Comparaîtront également au cours de l'année les anciens ministres du Plan, Augustin Ngirabatware, et de la Jeunesse, Callixte Nzabonimana ainsi que l'ancien sous-préfet Dominique Ntawukuriryayo. S'agissant des deux anciens membres du gouvernement, le procureur en chef, Hassan Bubacar Jallow, a toujours affirmé qu'il ne lui était jamais venu à l'esprit de confier leurs dossiers à une justice nationale.
La dernière affaire est particulière. Membre du barreau de Kigali, Léonidas Nshogoza n'est pas accusé de génocide mais de subornation de témoins, une infraction dont il se serait rendu coupable alors qu'il travaillait comme enquêteur dans l'équipe de défense d'un ex-ministre condamné définitivement à la prison à vie.
La tâche qui attend le tribunal cette année est d'autant plus lourde que trois juges viennent de démissionner et que quatre autres ne sont pas disposés à siéger dans les nouveaux procès. A la demande de Byron, les textes régissant le TPIR ont été amendés en décembre de façon à permettre à une formation de juges non-permanents de conduire une affaire. Avant cette modification, chaque siège devait comprendre au moins un juge permanent.
Par ailleurs, un nouveau juge non permanent, le Tanzanien Joseph Masanche, vient d'être nommé par Ban Ki-moon et trois autres nominations devraient suivre dans les prochains jours, a annoncé le juge Byron, tout en insistant sur l'impérieuse nécessité pour tout le personnel de faire preuve de « dévouement et d'engagement » en cette phase cruciale.
«Le Conseil de sécurité a indiqué clairement et sans équivoque qu'il s'attendait à ce que nous terminions les procès des détenus actuels en 2009 », a renchéri Jallow également présent à la réunion. « Une véritable gageure ! Ne soyez pas étonné si en juin prochain, le président (du TPIR) retourne demander une nouvelle prolongation de mandat au Conseil de sécurité. C'est trop lourd comme programme et il faut compter avec les imprévus, comme ce qui vient de se passer dans l'affaire Muvunyi », a commenté à la sortie de la réunion, un agent du greffe qui a préféré garder l'anonymat.
ER/GF
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