Le procès avait repris la semaine passée après plusieurs mois de suspension, sans Mathieu Ngirumpatse, ancien président du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND), en raison de son mauvais état de santé.
Avant dernier témoin à déposer cette semaine, PJ, habitant en 1994 à Kibuye (ouest du Rwanda), et qui déposait hier en faveur de Karemera, ancien vice-président du MRND, a répété ce que l'ensemble des témoins de
la défense sont venus déclarer devant les juges ces derniers jours : les Interahamwe n'étaient pas présents dans la région de Kibuye entre avril et juillet 1994.
Le procureur soutient que Karemera et ses deux co-accusés, Ngirumpatse et l'ancien secrétaire général du MRND, Joseph Nzirorera, ont participé à une campagne de recrutement et d'armement des miliciens Interahamwe, principaux bras armés du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994.
Selon le témoin, protégé par le pseudonyme PJ, les seuls Interahamwe qu'il a vus accompagnaient les hommes politiques en déplacement dans sa région avant 1994.
Dans le cadre du contre-interrogatoire, Don Webster, le chef de l'équipe de la poursuite, a lu ce matin devant la chambre un extrait de procès-verbal d'une réunion tenue à Kigali en 1993 pour le deuxième anniversaire de la création des Interahamwe du MRND, et à laquelle assistait Edouard Karemera. Présent à cette réunion, le représentant des Interahamwe de Kibuye y expliquait l'organisation des Interahamwe dans sa région.
« D'avril à juin 1994, n'avez-vous pas vu des Interahamwe arriver de Kigali, de Gisenyi et Cyangugu pour aller attaquer les Tutsis de Bisesero (ouest du pays) ? », demande alors le procureur au témoin.
« Non, je n'ai pas été témoin de cela », répond-t-il.
Webster évoque ensuite une lettre datée de juin 1994, écrite par Ignace Bagalishema, bourgmestre de la commune de Mabanza (préfecture de Kibuye), au préfet de Kibuye. Bagalishema, jugé et acquitté par le TPIR,
s'y plaint que des Interahamwe de Gisenyi sont venus attaquer les Tutsis de Mabanza.
« Cela vous rafraîchit-il la mémoire ? », demande le procureur. « Cela ne me rappelle rien », répond le témoin.
Webster montre enfin une lettre du 28 juin 1994 dans laquelle Karemera, écrivant au préfet de Kibuye, lui annonce qu'il a enjoint le commandant militaire de section de Gisenyi, suite à une réunion ministérielle,
d'appuyer la gendarmerie de Kibuye, en réponse aux télégrammes envoyés en début de mois par le préfet.
Le témoin convient-il que c'est là une preuve de coordination entre plusieurs instances?
« Comment puis-je savoir, je n'étais qu'un simple paysan », répond-t-il.
Hier, PJ avait déclaré avoir des responsabilités dans l'administration civile de la préfecture de Kibuye à l'époque du génocide, travaillant pour le ministère des travaux publics.
DC/GF
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