Milorad Dodik, dirigeant nationaliste serbe bosnien qui entendra mercredi le verdict dans son procès pour le rejet de l'autorité du Haut représentant international, joue depuis une vingtaine d'années un rôle politique majeur dans un pays "impossible", la Bosnie, dont il veut séparer l'entité serbe.
Dans ce procès sans précédent dans le pays des Balkans, il encourt une peine de 6 mois à 5 ans de prison s'il venait à être reconnu coupable, et l'interdiction de faire de la politique.
Il se dit visé par un "procès politique" et annonce le rejet du verdict qui sera prononcé en milieu de journée par la Cour d'Etat de Bosnie à Sarajevo.
Souvent accusé par ses adversaires de "corruption" ou d'"atteinte à l'accord de paix" à cause de sa politique "séparatiste", l'indéboulonnable président de la Republika Srpska (RS), l'entité des Serbes de Bosnie (49% du territoire du pays), est pour la première fois confronté à la justice.
Le dirigeant de 65 ans, qui fut un temps le chouchou de l'Occident, voue depuis longtemps une admiration sans bornes au président russe Vladimir Poutine, à qui il est resté fidèle après l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022.
Il a récemment célébré la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine et son retour au pouvoir.
S'il se vante aussi de ses alliances avec la Chine ou la Hongrie de Viktor Orban, qu'il rencontre régulièrement, Milorad Dodik doit paradoxalement son ascension politique à l'Occident.
Ce colosse de 1,91 m est issu d'une famille de paysans de Laktasi, près de Banja Luka, ville du nord de la Bosnie, devenue le chef-lieu de la RS.
Après la guerre intercommunautaire (1992-1995), les Occidentaux s'étaient convaincus de tenir un modéré en la personne de ce président d'un petit parti social-démocrate, denrée rare à l'époque.
- "Courant d'air frais" -
Milorad Dodik a en effet entamé sa carrière par un choix risqué, comme opposant à Radovan Karadzic, chef politique des Serbes de Bosnie durant la guerre, condamné en 2019 par la justice internationale à la perpétuité pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
En 1998, l'Otan a fait venir des députés en pleine nuit par hélicoptère pour aider M. Dodik à être élu Premier ministre de la RS, dans un Parlement où son parti n'avait que deux députés.
Les chancelleries occidentales s'étaient réjouies, l'ancienne secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright évoquant un "courant d'air frais" dans les Balkans.
Mais il fut battu aux élections de 2000, et ses appels à la modération et à la réconciliation intercommunautaire se sont faits rares.
Six ans plus tard, il militait pour un référendum d'indépendance de l'entité serbe -- jamais réalisé -- et fut élu avec près de 60% des voix.
Dès lors, son emprise sur la RS ne se relâchera plus, avec un passage supplémentaire au poste de Premier ministre, deux mandats à la présidence de la RS, un mandat à la présidence collégiale de Bosnie, puis le retour aux rênes de l'entité serbe...
Sa rhétorique nationaliste, volontiers provocatrice, semble trouver un écho favorable au sein d'une bonne partie des Serbes de Bosnie.
Celui qui avait déclaré en 2007 savoir "parfaitement bien" que le massacre de Srebrenica était un "génocide" affirme aujourd'hui "en toute conscience" le contraire.
Dans cette ville de Bosnie orientale, 8.000 hommes et adolescents bosniaques (musulmans) ont été tué en juillet 1995 par les forces serbes de Bosnie, le seul épisode du conflit bosnien qualifié de génocide par la justice internationale.
M. Dodik doit aussi sa popularité à sa propension à participer aux fêtes populaires où il n'hésite pas à trinquer et prendre le micro pour chanter. Il se montre aussi volontiers aux côtés des dignitaires de l'Eglise orthodoxe serbe.
Il se félicite d'avoir arrêté la centralisation du pays au détriment de l'entité serbe et affirme que l'objectif du procès en justice est de l'"éliminer de l'arène politique" pour que ce processus puisse reprendre.
Par ailleurs, il réclame sans relâche le départ du pays du Haut représentant international, ainsi que des juges internationaux de la Cour constitutionnelle.
"La Republika Srpska est emprisonnée en Bosnie-Herzégovine" et elle "doit entamer le processus de sa libération", a encore déclaré à la mi-février celui qui dit régulièrement que la Bosnie est un pays "raté" et qui lui inspire le "mépris".