« Chez moi, le passé se mêle au présent et je m'embrouille », poursuit cette dame plus vieille que ses 40 ans.
Son mari tué à coups de machette, la tête de son seul fils de 3 ans fracassée contre un mur, la file interminable de violeurs se relayant sur son corps, ses 3 belles-sœurs tuées sur le coup, le chef milicien tueur de sa famille qui s'improvise « mari protecteur », l'humiliation, l'exil forcé dans un camp de réfugiés dans l'ex-Zaïre et enfin... un fille née de ce calvaire.
« Tu avais refusé de m'épouser et voilà, le sort veut que tu m'appartiennes maintenant ! C'est l'amour ou la mort », lui a lancé un jour son bourreau et mari, alors qu'elle tentait de fuir le camp de réfugiés pour rentrer au Rwanda.
Elle a quand même fini, un jour, par tromper la vigilance de son geôlier et traverser la frontière en sens inverse.
Mais à son retour au pays, elle découvre qu'elle est séropositive. Ainsi, une fois par mois, elle se rend dans un centre psycho-social de Kigali, où en plus, du soutien moral, elle reçoit des anti-rétroviraux. Elle y rencontre d'autres femmes avec lesquelles elle partage ce lourd héritage du génocide. « Nous nous racontons tout, sans rien nous cacher ; nous avons fini par nous aimer,... » Quant à l'enfant du viol, elle est déjà entrée à l'école secondaire. Belle et intelligente, l'innocente jeune fille force l'admiration de son entourage. « Avant, je l'exécrais autant que les génocidaires. Mais elle a commencé à se faire aimer et, moi, je me suis prise à la chérir. L'aimer, c'est me pardonner à moi-même d'avoir survécu à la mort ! », confie la dame.
« Pour élever ma fille, ma seule raison d'être, je travaille dur, en dépit de ma santé. Mais j'ai l'espoir de vivre assez longtemps pour faire d'elle un femme capable de voler de ses propres ailes », ajoute Madame J.M, assise devant son bazar où elle vend diverses denrées alimentaires.
SRE-ER/GF
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