La nation la plus jeune du monde, le Soudan du Sud, marquera jeudi ses quatre ans d'indépendance, arrachée le 9 juillet 2011 au Soudan après des décennies de guerre entre le nord et le sud du pays.
Mais l'enthousiasme suscité par cette nouvelle liberté a vite été assombri par une sanglante guerre civile entre les deux principales ethnies du pays, Dinka et Nuer.
LA GUERRE
Les combats ont débuté en décembre 2013 dans la capitale Juba lorsque le président Salva Kiir, un Dinka, a accusé son vice-président nuer Riek Machar, tout juste limogé, de fomenter un coup d'Etat.
Leur rivalité politique a rapidement dégénéré en un conflit ethnique marqué par une scission de l'armée et des massacres entre les deux ethnies.
Il n'a guère connu de répit depuis, en dépit des tentatives de médiations régionales et de vaines sanctions de la communauté internationale.
LES MORTS
Aucun bilan précis des victimes n'a pu être établi. Gouvernement et forces rebelles, tous responsables de massacres et d'atrocités, n'ont guère intérêt à compter des morts dont ils pourraient un jour devoir répondre, pas plus que l'Onu dont les troupes de maintien de la paix (la Minuss) ont échoué à protéger les civils.
En novembre 2014, l'International Crisis Group avait estimé à 50.000 - au moins - le nombre de morts. Les combats qui perdurent, la faim et les maladies, n'ont fait que gonfler la liste des victimes depuis.
FAMINE ?
Redoutée l'an dernier à cette même période, la famine a pu être évitée de justesse, grâce à un effort massif des agences humanitaires. Mais la menace se profile de nouveau alors que les civils fuient les combats en abandonnant tout, délaissant récoltes ou petits commerces.
Le nord et l'est du pays - ravagés par les combats - sont sur le point de basculer dans la famine, selon la dernière évaluation du Réseau FEWS NET (Famine Early Warning Systems Network). Les deux tiers des 12 millions d'habitants du pays ont besoin d'aide humanitaire et 4,5 millions de personnes n'ont pas suffisamment à manger, selon l'ONU.
MALADIES
Une épidémie de choléra s'est déclarée en juin à Juba, faisant 32 morts, et menace de gagner les camps de déplacés surpeuplés.
Déjà précaires avant la guerre, les services de santé ont parfois été délibérément visés, tels ceux de Médecins sans frontières (MSF). Des soins indispensables ont dus être interrompus en raison des combats.
LES DÉPLACÉS
Quelque 2,25 millions de personnes ont été contraintes de fuir, abandonnant leurs maigres possessions aux pillages et destructions.
Environ 730.000 Sud-soudanais se sont réfugiés dans les pays environnants, pour la plupart en Ethiopie mais aussi en Ouganda, au Soudan ou au Kenya.
Un million et demi de civils sont en errance dans leur propre pays, vivant dans des camps de déplacés sordides, dans des marais ou des forêts. Plus de 150.000 personnes ont aussi trouvé refuge dans des bases de la Minuss.
CRIMES DE GUERRE ?
Le conflit a donné lieu à une série d'atrocités qui paraît sans limite: massacres ethniques, castrations, viols collectifs. Fin juin, la Minuss rapportait que des femmes et des filles avaient été "brûlées dans des huttes après avoir été victimes de viol collectif".
Les deux camps ont enrôlé de force plus de 13.000 enfants-soldats. Quelque 250.000 enfants risquent de mourir de faim.
Plus d'une douzaine de travailleurs humanitaires ont été tués depuis le début du conflit et plusieurs autres sont portés disparus. Les combattants ont abattu un hélicoptère de l'Onu en août 2014 et massacré des personnels de maintien de la paix.
VAINES MENACES
Lors de multiples séances de pourparlers dans des hôtels de luxe éthiopiens, Salva Kiir, Riek Machar et leurs entourages ont dépensé des millions de dollars sans parvenir au moindre accord durable. Au moins sept cessez-le-feu ont été signés, avant d'être immédiatement violés dans les jours suivants.
Pour la première fois depuis le début de la guerre civile, le conseil de sécurité de l'Onu a décrété le 1er juillet des sanctions - gels d'avoirs financiers, interdiction de voyager - contre six chefs militaires sud-soudanais: trois du côté des forces gouvernementales et trois du côté des rebelles.
BATAILLE RÉGIONALE
Une vingtaine de groupes armés sont impliqués dans ce conflit, marqué par des retournements d'alliances et des griefs historiques.
Plusieurs milliers de soldats ougandais, appuyés par des hélicoptères de combat, combattent aux côtés des troupes de Kiir alors que le Soudan est soupçonné de fournir des armes aux rebelles de Machar. Des rebelles venus de la région soudanaise du Darfour ont aussi soutenu les forces gouvernementales.
Et dans ce pays de la taille de l'Espagne et du Portugal réunis, où les pistes se muent en rivières infranchissables lors des pluies, 12.000 "casques bleus" onusiens tentent - en vain - de maintenir une improbable paix.