Un juge de l'audience nationale, plus haute juridiction espagnole compétente en matière de terrorisme, a ouvert une enquête visant l'organisation séparatiste basque ETA pour "crimes contre l'humanité", selon une ordonnance consultée par l'AFP.
Le juge a déclaré recevable la plainte déposée par plusieurs associations de victimes, notamment "Dignité et Justice" pour des assassinats et enlèvements "qui auraient pu être commis par l'ETA après 2004", date d'entrée en vigueur du code pénal qui incorpore ces crimes. Selon une source judiciaire, c'est une première.
Ce geste est "symbolique", a commenté cette source.
Le magistrat a lui estimé que cette qualification pouvait être retenue car les faits dénoncés correspondent bien à la définition d'un crime contre l'humanité. L'enquête vise la direction de l'ETA.
Il s'agit d'une "attaque systématique contre une partie de la population, composée de collectifs poursuivis pour des raisons politiques et idéologiques, dont l'élimination et l'expulsion (...) sont considérés stratégiquement nécessaires par l'organisation pour des raisons politiques", a justifié le magistrat.
L'ETA, qui est tenue pour responsable d'au moins 829 morts en 40 ans, a annoncé le 20 octobre 2011 renoncer définitivement à la violence, mais refuse de se désarmer et de se dissoudre sans condition, comme l'exigent les gouvernements espagnol et français.
L'association avait également porté plainte pour "génocide" mais cette qualification n'a pas été retenue.
"La différence essentielle entre les crimes contre l'humanité et le crime de génocide s'explique par (....) l'intention de détruire un groupe de manière partielle ou totale", a expliqué le magistrat dans son ordonnance.
Les collectifs visés par l'ETA -- militaires, policiers, politiques, entrepreneurs, basques ou d'ailleurs - a encore expliqué le magistrat, ne peuvent être considérés comme un "groupe" national.
Une autre association de victimes, COVITE, a déposé une plainte, également pour crimes contre l'humanité, devant la Cour pénale internationale, qui ne s'est pas encore encore prononcée sur sa recevabilité.
Une douzaine de personnes ont été tuées par l'ETA entre 2004 et mars 2010, année du dernier mort, un policier français, tué lors d'une course poursuite en région parisienne.
L'organisation n'a commencé à commettre des attentats qu'après 1968. Selon une étude universitaire finalisé fin 2014, le rapport "Foronda" de l'université du Pays basque, parmi ses victimes on compte 206 gardes civils, 149 membres de la police; 87 officiers ou sous-officiers, 30 personnalités politiques notamment.
L'enquête judiciaire intervient cependant alors que l'ETA n'a plus commis d'attaques et que localement les efforts de dialogue et d'apaisement se multiplient entre pro et anti-ETA.
"D'un point de vue judiciaire il est évident que les crimes ne peuvent rester dans l'impunité", note le journaliste Gorka Landaburu, expert de l'ETA et lui-même victime d'un attentat en 2001.
Mais, dans "la situation actuelle, où le terrorisme a disparu définitivement depuis quatre ans, je ne sais pas à quoi cela sert", dit-il en regrettant que le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy n'ai pas accepté l'ouverture d'un dialogue avec l'ETA pour avancer vers sa dissolution.