L'ancien président du Liberia est poursuivi pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis entre 1996 et 2002 en Sierra Leone. Selon le procureur, Charles Taylor a soutenu et armé les rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (RUF) en échange de diamants. Mais pour maître Courtenay Griffiths, ce procès est le symbole « du néo colonialisme du XXIème siècle».
L'avocat affirme que le procès a été orchestré par Washington et Londres pour écarter de la scène politique ouest-africaine l'ancien chef d'état du Liberia et s'emparer des ressources pétrolifères du pays. Pour preuve, l'avocat a brandi dans le prétoire l'un des télégrammes diffusé par Wikileaks, admis comme pièce à conviction, et dans lequel l'ambassadrice américaine à Monrovia estimait, en 2007, que si le TSSL acquittait l'accusé, encore puissant au Liberia, Washington devrait engager de nouvelles poursuites contre lui.
L'avocat a aussi reproché au procureur d'avoir sélectionné ses cibles à la demande des principaux contributeurs financiers du tribunal spécial : les Etats-Unis, le Royaume uni et les Pays-Bas. Seul Charles Taylor a été poursuivi, a-t-il reproché. « Pourquoi Kadhafi n'a jamais été poursuivi ? », a-t-il demandé. « Qu'en est-il de Blaise Compaoré ? », le président du Burkina Faso. Les deux hommes ont été visés à plusieurs reprises par le procureur au cours du procès, pour avoir soutenu et financé les guerres de Charles Taylor.
Sa première guerre, celle du Liberia, lui a permis d'accéder au pouvoir, et d'être élu, en 1997. Sa seconde guerre, conduite, selon le procureur, via ses alliés du Front révolutionnaire uni, s'est soldée par près de 150 000 morts et des dizaines de milliers de mutilés. Mais Charles Taylor ne nie pas les crimes, ni la barbarie. Il en rejette toute responsabilité.
Pour maître Griffiths, les preuves de l'implication de Charles Taylor n'ont pas été apportées par le procureur. Selon lui, les mouvements d'armes, à la frontière entre les deux pays, étaient mineurs. Les liens entre Charles Taylor et Foday Sankoh étaient inexistants après 1996. Et d'affirmer que les preuves du procureur ont été « façonnées » et ne sont que « foutaises ».
Terry Munyard, co-conseil de Charles Taylor, a ensuite tenté de détruire la crédibilité des témoins, arguant qu'ils avaient été payés par le procureur. « Cet argent a été utilisé pour polluer la pureté de la Justice » a-t-il estimé.
Dans le box des accusés, Charles Taylor avait le regard sombre et les traits tirés tout au long de la plaidoirie. Interrogé par Hirondelle, maître Griffiths explique « qu'à la fin d'un procès, quand il n'y a plus rien que vous puissiez faire, cela arrive souvent. C'est le moment le plus difficile pour un accusé ».
Le procès se poursuivra vendredi avec les dernières répliques des deux parties. Puis les juges se retireront pour délibérer. Le jugement n'est pas attendu avant quatre ou six mois. Si Charles Taylor est reconnu coupable, le procureur et la défense devront encore plaider sur la sentence.
Créé en 2002 par un accord entre les Nations unies et le gouvernement de Freetown, le TSSL ne prévoit ni la perpétuité, ni la peine capitale. En huit ans, le tribunal a jugé et condamné huit responsables de la guerre civile sierra-léonaise à des peines de 15 à 52 ans de prison.
SM/ ER/GF
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