15.03.11 - TPIR/PROCUREUR - LE TPIR VA RECUEILLIR DES « DEPOSITIONS SPECIALES » (ECLAIRAGE)

Arusha, 15 mars 2011 (FH) - Au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le témoignage est la reine des preuves. Or plus de 16 ans après le génocide des Tutsis de 1994, la mémoire s'est émoussée lorsque les témoins ne sont pas encore décédés.

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Le règlement de procédure et de preuve du tribunal prévoit une disposition, l'article 71 bis, pour sauver les éléments de preuve de l'usure du temps. Pour la première fois dans l'histoire du TPIR, le procureur Hassan Bubacar Jallow a eu recours à cette disposition en déposant, le mois dernier, trois requêtes aux fins de « recueils de dépositions spéciales ».

Cette démarche, Jallow l'avait déjà annoncée à l'ONU lorsqu'il présentait son rapport devant le Conseil de sécurité en décembre 2010. Le magistrat gambien est soucieux de préserver ses éléments de preuve contre trois poids lourds en cavale : le richissime homme d'affaires Félicien Kabuga souvent considéré comme le principal argentier du génocide, l'ancien ministre de la Défense Augustin Bizimana et l'ancien commandant de la garde présidentielle (GP), le major Protais Mpiranya. Le premier mènerait l'essentiel de ses affaires au Kenya, pays voisin de la Tanzanie, pays hôte du TPIR ; le second se cacherait en République démocratique du Congo (RDC), également voisine de la Tanzanie tandis que le major bénéficierait de la protection de hauts responsables zimbabwéens même si des rumeurs rejetées par le TPIR affirment qu'il est décédé dans un hôpital militaire de ce pays.

Pour Jallow, les trois hommes sont « de gros poissons » qui doivent être jugés par le tribunal d'Arusha ou par « le mécanisme résiduel » appelé à prendre le relais à la fermeture du TPIR tandis que les sept autres accusés en fuite peuvent être déférés devant des juridictions nationales.

Après réception de ces requêtes « strictement confidentielles », le président du tribunal, Dennis Byron a désigné une chambre à cet effet et le greffier, Adama Dieng, a commis d'office « un avocat de permanence » pour chacune de ces anciennes personnalités. Kabuga sera représenté par Bahame Tom Mukirya Nyanduga, Bizimana par Apollo John Maruma et Mpiranya par Francis Musei, tous avocats tanzaniens presque inconnus dans les couloirs du tribunal.

Selon le long article 71 bis qui couvre 3 pages, ces « dépositions spéciales » se dérouleront à huis clos. Le recueil de ces auditions fera  l'objet d'un enregistrement audio-visuel, en plus d'autres formes d'enregistrement, à moins qu'il ne se déroule, dans des circonstances exceptionnelles, dans un lieu où le matériel nécessaire n'existe pas ou ne peut être installé.

L'article stipule par ailleurs que lors du procès ultérieur, le greffier communiquera aux parties, aussitôt que possible, des copies du dossier des dépositions spéciales. Ces dernières ne peuvent cependant être admises en lieu et place de témoignages que sous certaines conditions : si la partie adverse ne s'y oppose pas, si le témoin est décédé ou s'il est introuvable ou incapable de témoigner oralement en raison de son état de santé ou si la chambre juge que l'intérêt de la justice le commande.

Selon le porte-parole du TPIR, Roland Amoussouga, « aucune date n'a encore été fixée » pour le début de ces auditions. Mais lors d'une réunion avec le personnel le 4 mars, le juge Byron a annoncé qu'elles seraient terminées dans le courant de l'année.

ER/GF

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