L'avocat de permanence désigné par le greffe pour représenter les intérêts de l'homme d'affaires, le Tanzanien Bahame Tom Nyanduga, avait estimé, dans ses soumissions, que le recueil de ces auditions violait les droits de l'accusé. «La procédure prévue à l'article 71 bis ne constitue pas un procès par contumace. Une importante distinction doit être faite entre cette procédure et un procès », a tranché le TPIR dans sa décision reçue jeudi à l'agence Hirondelle. « Le juge unique qui préside cette procédure n'est pas compétent pour rendre un verdict de culpabilité ou un acquittement, et ne peut se prononcer sur l'admissibilité ou le poids des la preuve recueillie », explique le tribunal. « Il appartiendra à une future chambre de première instance de décider de l'admissibilité des éléments de preuve recueillis et préservés », poursuit la décision.
« Même si l'article 71 bis semble imposer certaines limitations aux droits de l'accusé à un procès équitable, il convient de noter qu'une future chambre de première instance pourra évaluer la pertinence et la valeur probante des éléments de preuve préservés, en prenant en considération les droits de l'accusé », indique le jugement. La future chambre devra par ailleurs tenir compte du « fait que le conseil de permanence ayant contre interrogé les témoins lors des dépositions spéciales n'avait pas reçu d'instructions de la part de l'accusé qui ne l'avait pas choisi », ajoutent les juges.
En plus de Kabuga qui mènerait l'essentiel de ses affaires au Kenya, la procédure concerne l'ex-ministre de la Défense Augustin Bizimana qui se cacherait en République démocratique du Congo (RDC) et l'ancien commandant de la Garde présidentielle, le major Protais Mpiranya qui bénéficierait de la protection de hauts responsables zimbabwéens.
« Si, à l'expiration d'un délai raisonnable, un mandat d'arrêt n'a pas encore été exécuté, le procureur peut saisir le président du tribunal d'une demande tendant à conserver, par le recueil de dépositions spéciales, les éléments de preuve relatifs à l'acte d'accusation pour les besoins d'un procès à venir », dispose l'article 71 bis. Ces « dépositions spéciales » se dérouleront à huis clos. Elles feront l'objet d'un enregistrement audio-visuel, en plus d'autres formes d'enregistrement, à moins qu'il ne se déroule, dans des circonstances exceptionnelles, dans un lieu où le matériel nécessaire n'existe pas ou ne peut être installé.
L'article stipule par ailleurs que lors du procès ultérieur, le greffier communiquera aux parties, aussitôt que possible, des copies du dossier des dépositions spéciales. Ces dernières ne peuvent cependant être admises en lieu et place de témoignages que sous certaines conditions : si la partie adverse ne s'y oppose pas, si le témoin est décédé ou s'il est introuvable ou incapable de témoigner oralement en raison de son état de santé ou si la chambre juge que l'intérêt de la justice le commande.
Aucune date n'a encore été fixée pour le recueil de ces dépositions mais, selon le président du TPIR, Dennis Byron, elles devraient être terminées cette année.
ER/GF
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