Le TPIR a condamné mardi pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, les anciens chefs d'état-major de l'armée et de la gendarmerie, les généraux Augustin Bizimungu et Augustin Ndindiliyimana. Comme Bagosora en décembre 2008, les deux hommes, ainsi que leurs deux co-accusés, ont été néanmoins lavés du chef d'entente en vue de commettre le génocide.
Bizimungu a écopé de 30 ans de prison, Ndindiliyimana a été condamné à une peine couvrant la durée de sa détention préventive tandis que le major François-Xavier Nzuwonemeye et le capitaine Innocent Sagahutu, reconnus coupables de crimes contre l'humanité et crimes de guerre, se sont vus infliger chacun 20 ans de réclusion.
« Les décisions des chambres du TPIR en charge des procès des chefs militaires étaient parmi les plus attendues de l'institution. Une nouvelle fois, comme dans le procès Bagosora et al., elles dérogent aux conclusions habituelles », a réagi M.Guichaoua, témoin expert du procureur du TPIR, dans plusieurs procès.
« On remarquera en premier lieu la volonté affirmée d'ajuster les peines aux individus jugés, malgré le cadre du procès collectif », a indiqué cet ancien professeur à l‘Université nationale du Rwanda (UNR), aujourd'hui professeur à Paris I.
« En second lieu, et c'est en fait l'élément à mes yeux le plus important, on soulignera le refus d'appliquer la sentence la plus importante, y compris au général Bizimungu, le plus lourdement chargé par le parquet », note encore Guichaoua.
Pour lui, c'est « comme si les juges avaient voulu dissocier les accusés militaires des accusés civils ; accordant ainsi, volontairement ou non, une prééminence aux décideurs du gouvernement intérimaire auxquels ils obéissaient ». « Dans cette optique, poursuit-il, l'élargissement du général Ndindiliyimana au terme de sa longue incarcération "préventive" établit assurément une hiérarchie claire dans la chaîne de commandement et les responsabilités ».
« Enfin, il s'agit là d'une confirmation du jugement Bagosora : le chef d'entente n'a pas été retenu et met une nouvelle fois à mal l'argumentaire du bureau du procureur tout comme la vulgate globalisante du camp vainqueur envers les "vaincus" sur la "planification" du génocide depuis de longues années », affirme le sociologue. Il en conclut que « ces décisions, qui doivent être confirmées en appel, marqueront, à n'en pas douter, le bilan qui sera prochainement fait sur le travail du TPIR ».
ER/GF
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