Un juge d'instruction français enquête depuis mi-juillet sur une détention arbitraire et des tortures imputées à Israël par l'avocat franco-palestinien Salah Hamouri, à la suite de sa plainte déposée en mars.
Sollicitée, l'Autorité pénitentiaire israélienne n'a pas répondu à l'AFP.
Salah Hamouri, 39 ans, a déposé fin mars une plainte avec constitution de partie civile pour dénoncer les conditions de son incarcération et de son expulsion par Israël en 2022 ainsi que divers faits antérieurs.
Ce type de procédure permet normalement d'obtenir au bout de plusieurs mois à la désignation d'un juge d'instruction indépendant pour enquêter.
Mais cette fois, selon une source proche du dossier mardi à l'AFP, le Parquet national antiterroriste (Pnat) s'est initialement opposé à l'ouverture d'une information judiciaire, estimant que "les conditions de détention décrites, dans l'hypothèse où elles étaient avérées, n'apparaissent pas caractériser" des tortures.
Le juge d'instruction, à qui revient le dernier mot, a décidé tout de même d'enquêter sur ces faits, estimant que "la réalité des pratiques maltraitantes subies et dénoncées par le plaignant est plausible et les faits dénoncés sont susceptibles de constituer les infractions pénales de tortures et actes de barbarie", selon son ordonnance du 17 juillet dont l'AFP a eu connaissance.
L'instruction, ouverte pour tortures, actes de barbarie et détention arbitraire par personne dépositaire de l'autorité publique, aura pour "objet de déterminer la caractérisation ou non de ces infractions", tranche le magistrat.
Pour les avocats de Salah Hamouri, Mes William Bourdon et Vincent Brengarth, "face au refus du Pnat, sans aucune raison juridique que ces faits très graves soient instruits, le magistrat instructeur a pris ses responsabilités."
"Salah Hamouri attend des investigations rapides et intenses. L'absence de coopération d'Israël n'empêchera pas le cas échéant d'enquêter et d'adresser des convocations aux mis en cause", ajoutent-ils.
- "Isolement punitif" -
Dans leur plainte, ils affirment que leur client, "cible d'un harcèlement intense de la part des autorités israéliennes et d'un déni de ses droits fondamentaux", a "fait l'objet de détentions arbitraires répétées et a subi des actes de tortures au cours de ces privations de liberté".
Ils évoquent différentes "arrestations et détentions", entre 2001 et 2018, et dénoncent surtout sa détention administrative "sans charge officielle" entre mars et décembre 2022.
Pour eux, divers faits relèvent de tortures, tels que les conditions de son transfert en juillet 2022 vers un nouveau lieu de détention, avec des privations de nourriture et de sommeil, un "isolement punitif" consécutif à sa grève de la faim ou la "restriction prolongée voire l'interdiction de contacts avec sa famille".
Un psychiatre français a décrit en septembre 2023 un "état de stress post-traumatique complet d'intensité sévère" chez M. Hamouri, selon la plainte.
Les avocats incluent dans leur dénonciation son "exil forcé" vers la France fin 2022. Résident de Jérusalem-Est, occupée et annexée par Israël, Salah Hamouri avait été expulsé après la révocation de son permis de résidence par les autorités israéliennes.
Arrêté et emprisonné en 2005, Salah Hamouri a été condamné en 2008 à sept ans de prison par un tribunal israélien l'ayant reconnu coupable de participation à un projet d'assassinat d'Ovadia Yossef, ancien grand rabbin d'Israël, à l'origine du parti ultra-orthodoxe Shass.
Le Franco-Palestinien, qui clame son innocence dans cette affaire, avait été relâché en 2011 dans le cadre d'un échange de prisonniers ayant permis la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit.
Israël le soupçonne de liens - ce qu'il nie - avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), une organisation considérée comme terroriste par l'Etat hébreu et l'Union européenne.
Paris avait estimé son expulsion "contraire au droit", tandis que le Haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme l'avait qualifiée de "crime de guerre".