France: la tension monte entre le Premier ministre Barnier et les alliés du président Macron

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La formation d'un gouvernement en France se heurtait mercredi à des tensions croissantes entre le Premier ministre Michel Barnier et le camp du président Emmanuel Macron qui exige une "clarification" sur sa place dans la future équipe et la ligne que compte suivre l'ancien commissaire européen.

Deux réunions reportées coup sur coup, la question d'éventuelles hausses d'impôt dans le viseur des partis, et un flou qui persiste deux semaines après sa nomination: alors qu'il a promis de nommer une équipe dans les prochains jours, Michel Barnier semble contraint de temporiser dans ses consultations.

Si le Premier ministre s'est rendu à l'Elysée dans la journée pour s'entretenir avec Emmanuel Macron, selon une source au sein de l'exécutif, une réunion avec des ténors macronistes d'Ensemble pour la République (EPR) prévue dans la matinée a été reportée sine die.

Une rencontre avec des dirigeants de son propre parti Les Républicains (LR, droite), prévue dans la soirée, a également été déprogrammée.

Pour LR, le motif du report n'a pas été fourni. Quant à la réunion avec les macronistes qui devaient être conduits par le patron des députés EPR Gabriel Attal, des raisons d'agenda ont officiellement été avancées.

Michel Barnier - ancien commissaire européen chargé le 5 septembre de former un gouvernement par M. Macron - a livré une déclaration à l'AFP dans laquelle il souligne qu'il "découvre" une "situation budgétaire très grave", visant directement l'ancienne équipe gouvernementale dirigée par M. Attal.

"Cette situation mérite mieux que des petites phrases. Elle exige de la responsabilité", a-t-il insisté en se disant "très concentré sur la constitution prochaine d'un gouvernement d'équilibre" pour "traiter avec méthode et sérieux les défis" du pays.

- Déficit important -

"Nous sommes (...) devant une situation de finances publiques que je considère comme vraiment inquiétante. (...) Le budget pour 2025 sera sans doute le plus délicat ou un des plus délicats de la Ve République", a de son côté déclaré mercredi le premier président de la Cour des comptes française, Pierre Moscovici, un ancien ministre socialiste des Finances.

L'objectif fixé par le gouvernement sortant de réduire le déficit public à 5,1% du produit intérieur brut (PIB) en 2024 ne sera "pas atteint", a-t-il estimé.

M. Moscovici, qui a lui aussi été commissaire européen, a jugé "ni possible ni souhaitable" de ramener le déficit public sous les 3% de PIB en 2027, un objectif encore récemment réaffirmé par Paris.

Cela supposerait de réaliser des économies trop massives qui pénaliseraient la croissance, selon lui.

"Il est impératif de dire la vérité aux Français à travers le projet de loi de finances" pour 2025 qui est censé être présenté au Parlement début octobre, "puis le plan budgétaire national de moyen terme que le gouvernement doit transmettre à la Commission (européenne) quelques jours après", a souligné M. Moscovici.

- Majorité très relative -

La situation budgétaire du pays préoccupe aussi le président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale Eric Coquerel (extrême gauche) et le rapporteur général Charles de Courson (centre), qui ont cherché en vain, mardi et mercredi, à obtenir des documents préparatifs du budget 2025.

Michel Barnier se dit actuellement "très concentré sur la constitution prochaine d'un gouvernement d'équilibre" pour "traiter avec méthode et sérieux les défis" du pays. Avec les macronistes et LR, il n'aurait qu'une majorité relative.

Dans un message mardi soir, Gabriel Attal déplorait "ne pas avoir encore une visibilité claire sur la ligne politique - notamment sur d'éventuelles hausses d'impôts - et sur les grands équilibres gouvernementaux". Autrement dit la place réservée au camp présidentiel par rapport aux Républicains, le parti de M. Barnier.

Le nouveau Premier ministre aurait évoqué auprès de plusieurs interlocuteurs une hausse des prélèvements fiscaux.

Son entourage a démenti mardi, affirmant qu'il ne s'agit que "de pures spéculations" et renvoyé à sa première interview télévisée dans laquelle il avait évoqué "la justice fiscale" sans davantage de précisions.

"Nous sommes déjà le pays où la charge des impôts est la plus forte", a remarqué Michel Barnier mercredi dans sa déclaration à l'AFP.

Le ministre (macroniste) de l'Intérieur sortant Gérald Darmanin a jugé mercredi hors de question" de participer à dans un gouvernement qui augmenterait les impôts ou même de le "soutenir".

Alors que le Premier ministre renvoie ses interlocuteurs à sa déclaration de politique générale début octobre - y compris sur des sujets potentiellement clivants comme l'immigration -, "on ne va pas rentrer dans un gouvernement sans savoir ce qui va se passer", a-t-il remarqué.

"Parce que si on n'est pas d'accord, qu'est ce qu'on fait?"