Mandat d'arrêt requis contre Netanyahu: Israël contre-attaque à la CPI

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Israël a annoncé vendredi avoir remis à la Cour pénale internationale (CPI) des documents contestant la décision annoncée en mai par son procureur de demander des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant.

"L'Etat d'Israël a présenté aujourd'hui sa contestation officielle remettant en cause la compétence juridictionnelle de la CPI (dans cette affaire) ainsi que la légalité de la requête du procureur", écrit Oren Marmorstein, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, dans un message sur le réseau social X.

Le procureur de la CPI, Karim Khan, a requis en mai des mandats d'arrêt internationaux contre MM. Netanyahu et Gallant ainsi que plusieurs dirigeants du Hamas pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés dans la bande de Gaza et en Israël depuis le début des hostilités déclenchées par le mouvement islamiste palestinien le 7 octobre.

Contre cette décision, "Israël a présenté deux opinions juridiques exhaustives", écrit M. Marmorstein.

Des responsables israéliens ont indiqué sous couvert d'anonymat que ces documents avaient été soumis aux juges de la section préliminaire amenés à se prononcer sur la requête du procureur, procédure qui pourrait prendre des années.

Dans l'un, "Israël a souligné que la CPI était manifestement dépourvue de la compétence juridictionnelle pour cette affaire", a indiqué M. Marmorstein.

Dans l'autre, ajoute le porte-parole, Israël détaille "les violations du procureur aux statuts de la Cour et au principe de complémentarité, en ce qu'il n'a pas donné à Israël l'occasion d'exercer son droit à enquêter par lui-même sur les accusations lancées par le procureur" avant que celui-ci ne saisisse les juges de sa demande.

- Traitement "préjudiciable" -

"Une multitude d'Etats de premier plan (...) d'organisations et d'experts de par le monde partagent les positions présentées par Israël", assure M. Marmorstein, selon qui "aucune autre démocratie dotée d'un système judiciaire indépendant et respecté comme celui qui existe en Israël n'a été traitée de façon aussi préjudiciable par le procureur" de la cour siégeant à La Haye.

L'attaque du Hamas a entraîné la mort de 1.205 personnes du côté israélien, en majorité des civils tués le 7 octobre, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes et incluant les otages morts ou tués en captivité dans la bande de Gaza. Sur les 251 personnes emmenées en otages le 7 octobre, 97 sont toujours détenues à Gaza, dont 33 ont été déclarées mortes par l'armée israélienne.

Plus de 41.270 Palestiniens ont été tués dans la campagne militaire israélienne de représailles sur la bande de Gaza, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l'ONU.

M. Khan a réclamé le 20 mai des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant, pour des crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés tels que "le fait d'affamer délibérément des civils", "homicide intentionnel" et "extermination et/ou meurtre".

M. Khan avait demandé simultanément des mandats d'arrêt à l'encontre du chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinouar, et d'autres dirigeants du mouvement pour des crimes contre l'humanité présumés commis en Israël et dans la bande de Gaza, tels que "l'extermination", "le viol et d'autres formes de violence sexuelle", "la torture" et "la prise d'otages".

Le président américain, Joe Biden, avait jugé "scandaleuse" la requête de M. Khan à l'endroit des deux dirigeants israéliens. Rome avait jugé "inacceptable" et "absurde" de "mettre sur le même plan le Hamas et Israël", un "parallèle" également dénoncé par d'autres capitales européennes.

Comme Israël, les Etats-Unis n'adhèrent pas au traité de Rome ayant institué la CPI, ce qui ne les empêche pas d'introduire des contestations juridiques auprès de la Cour.

Pour prouver une entorse au principe de complémentarité, un requérant devra démontrer que les tribunaux d'un pays enquêtent véritablement, et si nécessaire, poursuivent les mêmes individus que ceux auxquels s'intéresse la Cour, et pour les mêmes motifs, indique à l'AFP Gabriele Chlevickaite, experte au Asser Institute for International Law de La Haye.

Sur la question de la compétence de la Cour, Mme Chlevickaite rappelle que celle-ci a déjà statué en 2021 que sa compétence territoriale s'étendait à Gaza, et juge "improbable" que la requête israélienne n'entraîne la réouverture de cette question.