Disparition de 43 étudiants au Mexique: dix ans après, les proches toujours dans la rue

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Les proches des 43 étudiants disparus il y a dix ans dans le sud du Mexique ont manifesté jeudi à Mexico pour l'anniversaire de ce drame emblématique des quelque 100.000 cas de disparitions forcées dans le pays.

"Vivants ils nous les ont pris, vivants nous les voulons" : sous ce slogan répété comme un mantra, en dépit du peu d'espoir de retrouver les étudiants en vie, plusieurs milliers de personnes sont partis vers la place centrale du Zocalo, sous les fenêtres de la présidence.

Des jeunes ont vandalisé un Starbucks au début de la marche annuelle, à quelques jours de la passation de pouvoir entre le président sortant Andres Manuel Lopez Obrador et la présidente élue Claudia Sheinbaum, tous deux du parti Morena (gauche).

Les familles reprochent à la gauche au pouvoir de ne pas avoir localisé les corps des 43 étudiants, disparus lors d'une nuit de violence du 26 au 27 septembre 2014 à Iguala (sud-ouest).

Seuls trois d'entre eux ont été retrouvés et identifiés.

"Tristesse, douleur, colère... du fait de ne rien savoir, la blessure reste ouverte", résume Marisol Luna Torres, 33 ans, soeur de José Luis, qui avait 18 ans lors de sa disparition.

Marisol est montée à Mexico avec sa mère de 60 ans, comme beaucoup de familles venues en bus d'Iztapalapa, une commune rurale du Guerrero (sud).

"Dix ans après les faits, nous sommes loin de connaître la vérité", a déclaré l'avocat des familles, Vidulfo Rosales, lors d'un autre rassemblement à Mexico en début de semaine.

"Nous croyons que ce président nous a menti, que ce président nous a trompés", a ajouté la mère d'un étudiant disparu, Maria Elena Guerrero.

La majorité des parents réclame la publication d'un document de plus de 800 pages sur l'affaire, entre les mains de l'armée selon eux.

Mercredi, le président sortant a défendu son bilan dans une lettre aux parents : deux corps retrouvés, 120 personnes emprisonnées, 151 personnes interrogées, dont 134 civils et 16 militaires, 858 sites fouillés...

Le dossier n'est pas clos, a assuré M. Lopez Obrador, qui va transmettre le dossier à la prochaine présidente Claudia Sheinbaum, "une femme de principes, de convictions et en faveur de la justice".

- "Vérité historique" démontée -

Les 43 avaient réquisitionné des bus afin de se rendre à une manifestation, à Mexico, pour commémorer le massacre de plusieurs centaines d'étudiants le 2 octobre 1968.

Ils auraient pu être pris pour cible par un narcotrafiquant parce qu'ils étaient montés sans le savoir à bord d'un bus transportant de la drogue, d'après une théorie qui a circulé.

Sous pression, l'administration du président Enrique Peña Nieto (droite, 2012-2018) avait élaboré sa "vérité historique" aujourd'hui contestée : les étudiants disparus auraient été brûlés dans une décharge par un groupe criminel, aidé de la police locale d'Iguala, sans les agents de l'Etat.

A son arrivée au pouvoir en 2018, Andres Manuel Lopez Obrador a installé une "commission pour la vérité".

Cette commission a qualifié de "crime d'Etat" l'affaire d'Ayotzinapa et estimé que l'armée était en partie responsable, directement ou par négligence.

L'armée a disposé d'informations en temps réel sur le kidnapping et les disparitions, d'après cette commission.

La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a demandé jeudi aux "autorités compétentes et à la société mexicaine dans son ensemble de continuer à collaborer" pour éclaircir les faits.

Des experts indépendants de la CIDH avaient été autorisés à enquêter sur place par les autorités mexicaines. Ils ont invalidé la "vérité historique" et montré que des "agents de l'Etat étaient au courant des attaques contre les étudiants".

Leurs dernières enquêtes "ont établi en plus la possible participation d'agents de l'Etat", souligne la CIDH.

Tout en saluant des "avancées importantes" dans l'enquête, la CIDH regrette l'existence d'un "pacte de silence qui empêche d'identifier les responsables de la disparition et ceux qui les ont couverts".

Des milliers de familles, souvent des mères, cherchent leurs proches disparus au Mexique, dans l'espoir de retrouver un fragment d'os dans des fosses clandestines.

Les disparitions ont augmenté de façon exponentielle à partir de 2006 quand l'ex-président Felipe Calderon a lancé une opération militaire contre la demi-douzaine de cartels de l'époque.

Selon le registre national des personnes disparues, plus de 100.000 personnes ont manqué à l'appel entre le 15 mars 1964 et le 16 mai 2022. Environ 75% d'entre elles sont des hommes.