Disparitions au Mexique: Manuel Vazquez, la mauvaise conscience du pouvoir

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Il en a fait des cauchemars. Aujourd'hui député, Manuel Vázquez Arellano se présente comme survivant de la disparition d'un groupe de 43 étudiants en 2014 au Mexique, et se bat pour la vérité contre son propre camp au pouvoir.

"Même si j'étais devenu prêtre, j'aurais continué à parler des 43 disparus", insiste auprès de l'AFP le député du parti de gauche Mouvement pour la régénération nationale (Morena), 36 ans aujourd'hui.

Dans la nuit du 26 au 27 septembre 2014, 43 étudiants ont disparu après s'être rendus dans la ville d'Iguala (sud-ouest). Ils voulaient réquisitionner des bus pour aller à Mexico et participer aux commémorations annuelles des répressions de 1968 et du massacre de centaines d'étudiants dans la capitale le 2 octobre de cette année-là.

"Lorsque j'ai été invité à devenir député fédéral de Morena (en 2021), ma seule condition a été qu'on ne m'interdise rien, (...) que je puisse tout dire sur le cas Ayotzinapa", affirme-t-il à la veille de la manifestation jeudi pour les 10 ans de l'affaire.

Manuel Vazquez alias Omar Garcia affirme qu'il se trouvait sur les lieux où se sont rassemblés les 43 étudiants de l'école normale d'Ayotzinapa, dans l'Etat du Guerrero.

Il dit être arrivé après la disparition de ses camarades à Iguala.

"Comme les autorités ne venaient pas, nous avons convoqué la presse", raconte-t-il. "A son arrivée, nous nous sommes fait tirer dessus, tout le monde a couru où il pouvait".

Des parents de disparus accusent M. Vazquez Arellano, à l'époque un des leaders étudiants, d'être en partie responsable du drame car qu'il savait que l'opération était risquée.

"Nous ne voulons plus avoir affaire avec lui, nous voulons seulement qu'il arrête de parler des disparus", dit, en colère, à l'AFP, Mario Cesar Gonzalez Contreras, père d'un étudiant disparu.

- Le super-flic du pouvoir en ligne de mire -

En 10 ans, l'affaire d'Ayotzinapa est devenue le symbole des 100.000 disparitions forcées enregistrées au Mexique.

Seuls trois corps des 43 étudiants ont été partiellement retrouvés.

Lors de son arrivée au pouvoir en 2018, le président sortant Andres Manuel Lopez Obrador a créé une commission chargée d'établir la vérité sur l'affaire.

Cette commission qui a qualifié les faits de "crime d'Etat", a estimé que l'armée était en partie responsable, directement ou par négligence.

Sous le mandat d'Enrique Pena Nieto (2012-2018), les autorités avaient promu une version aujourd'hui contestée: les 43 auraient été enlevés et massacrés par un gang local avec la complicité de la police municipale d'Iguala.

"Il y a eu beaucoup d'avancées durant le mandat de Lopez Obrador", estime le député. "Mais tant qu'on ne saura pas vraiment ce qu'il s'est passé ce soir-là et où sont les étudiants, ce ne sera pas suffisant".

"Je sais qu'il (le président) avait toute la volonté politique" d'éclaircir l'affaire, poursuit-il, déplorant des "inerties" et une mauvaise volonté des institutions.

Le député, réélu en juin, a dans sa ligne de mire le super-flic de la gauche au pouvoir, Omar Garcia Harfuch, futur ministre de la Sécurité de la présidente Claudia Sheinbaum qui prendra ses fonctions le 1er octobre.

"Je peux affirmer que tu sais ce qui s'est passé la nuit du 26 septembre à Iguala", a-t-il déclaré dans une vidéo en octobre. "Tu as su comment s'est construite la vérité historique".

"Les responsables (...) de toutes ces tromperies et manipulations de l'enquête doivent être sanctionnés administrativement, voire pénalement", assure le député.

Mme Sheinbaum, qui a rencontré les familles des victimes en juin, s'est engagée à continuer les recherches.