Un an après le 7 octobre et la guerre à Gaza, un désastre sans fin

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Un an après le massacre du 7 octobre en Israël et le début de la guerre à Gaza, le monde assiste impuissant au désastre, qui s'étend désormais au Liban et menace d'embraser tout le Proche-Orient.

Ni les Etats-Unis, qui s'agitent sans résultat, ni les Européens, "en dehors de l'Histoire", ni le "Sud global" ne semblent en mesure d'arrêter la course folle.

Malgré un bilan humain terrifiant, aucun signe de trêve n'est en vue entre Israël et le Hamas palestinien, en dépit des efforts acharnés depuis un an des médiateurs américains, qataris et égyptiens.

Une solution politique au conflit israélo palestinien, vieux de 76 ans, apparaît aujourd'hui plus que jamais hors de portée.

Enfin, la guerre s'étend au Liban, où des frappes israéliennes contre le Hezbollah, allié du Hamas, ont fait depuis le 23 septembre plus de 600 morts et plongé le pays, déjà en proie à une crise majeure, dans le chaos.

Une onde de choc planétaire

Le 7 octobre, le mouvement islamiste palestinien Hamas mène une attaque sans précédent en Israël, la plus importante depuis la création du pays en 1948. Elle fait 1.205 morts, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les chiffres israéliens incluant les otages morts ou tués en captivité dans la bande de Gaza.

En représailles, Israël jure d'anéantir le Hamas à Gaza. Cette guerre, toujours en cours, a fait plus de 41.000 morts, en majorité des civils, selon le gouvernement du Hamas, et provoqué une crise humanitaire majeure dans le territoire palestinien.

Le conflit israélo-palestinien a toujours déchaîné les passions, mais l'ampleur qu'il a prise avec le 7 octobre attise les divisions et les haines dans le monde entier.

Manifestations houleuses, polarisation extrême et explosion des actes antisémites, au point que des responsables européens et américains ont récemment évoqué à l'Onu "un tsunami d'antisémitisme" depuis un an.

"Cette guerre a considérablement creusé les lignes de faille", notamment entre un Occident soutien d'Israël et "consumé par la culpabilité" liée à la Shoah, et des pays marqués par une histoire coloniale pour qui la question palestinienne est centrale, constate le chercheur Karim Bitar, basé à Beyrouth.

"Ce qui se passe en ce moment au Liban vient encore approfondir ces lignes de faille", ajoute-t-il.

Retour du droit international?

Prompts à soutenir l'Ukraine envahie par la Russie, les pays occidentaux sont fustigés pour leur "silence" face à la guerre à Gaza, voire leur "complicité", comme accuse l'historien et diplomate palestinien Elias Sanbar.

"Aujourd'hui tous les discours sur les valeurs, les droits de l'Homme, l'ordre international, sonnent creux", estime M. Bitar.

Depuis décembre 2023, l'Afrique du Sud a engagé une procédure inédite devant la Cour internationale de Justice (CIJ), accusant Israël de commettre un "génocide" à Gaza, à laquelle se sont joints plusieurs pays, dont la Colombie, la Libye, le Mexique, l'Espagne, le Chili et la Turquie.

En mai, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Karim Khan a requis des mandats d'arrêts internationaux pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité contre des dirigeants du Hamas, mais aussi, une première retentissante, contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

"Certains disent que le droit international est utilisé par les pays du Sud d'une manière cynique contre Israël", constate la chercheuse à Carnegie Europe Rym Momtaz. Mais selon elle, ces procédures inédites constituent un vrai changement.

Toutefois, nuance l'historien et ex-diplomate israélien Elie Barnavi, le "Sud global" reste "une nébuleuse loin d'être unanime" dont "les critiques n'ont que peu de poids en Israël", même si les procédures juridiques en cours exaspèrent et inquiètent.

Timides prises de distance vis à vis d'Israël

Face à la dévastation de Gaza, aux accusations de crimes de guerre lancées contre Israël, et à la situation explosive en Cisjordanie occupée où la colonisation se poursuit, le ton s'est durci en Europe, où quelques mesures ont été prises.

La plus symbolique, la reconnaissance de l'Etat palestinien, a été décidée par l'Espagne, l'Irlande, la Slovénie et la Norvège, pays traditionnellement sensibles à la cause palestinienne. Mais les poids lourds européens, au premier rang desquels l'Allemagne et la France, ne suivent pas.

L'UE a également adopté des sanctions contre les colons extrémistes. "De l'affichage", cingle Zenat Adam, de l'Afro-Middle East center.

Elie Barnavi pense toutefois qu'"on assiste en Europe occidentale à un changement graduel, lent, insuffisant, mais réel de l'attitude à l'égard d'Israël".

Elias Sanbar juge lui que la politique européenne vis à vis d'Israël se réduit depuis des décennies à "se lamenter et exprimer sa préoccupation", et dénonce une "hypocrisie permanente".

"Les Européens ne jouent aucun rôle efficace" au Proche-Orient, renchérit Rym Momtaz. "Ils sont en dehors de l'Histoire".

En réalité, tous les regards sont tournés vers Washington, l'allié crucial d'Israël et le seul en mesure de peser.

Depuis un an, les Etats-Unis n'ont jamais remis en cause leur soutien inconditionnel et militaire à Israël, même si, selon M. Barnavi, "ils ne peuvent plus voir Netanyahu en peinture".

Aux Etats-Unis, "le grand changement a plutôt lieu au sein de la communauté juive et de la jeune génération libérale, démocrate, progressiste, en train de se distancier de plus en plus ouvertement d'Israël. Cela pourrait avoir une traduction politique dans une dizaine ou une quinzaine d'années", estime Karim Bitar.

L'élection américaine de novembre reste la grande inconnue, mais selon Mme Momtaz, "on n'a aucun signe qui laisse présager un changement réel", tant du côté de la démocrate Kamala Harris que de l'imprévisible républicain Donald Trump.

Quelles perspectives ?

L'ampleur de la guerre a relancé la "solution à deux Etats", mantra de la communauté internationale depuis des décennies, mais qui semble encore plus inatteignable aujourd'hui.

"Pendant trop longtemps, on a laissé la situation se détériorer", déplore Karim Bitar, soulignant que "rien n'a été fait pour mettre un terme à l'occupation et la colonisation". "Aujourd'hui beaucoup pensent qu'il est peut-être trop tard", s'alarme-t-il.

Pour Elie Barnavi toutefois, "à terme, il n'y a pas d'autre solution". Mais cela passe par un départ du gouvernement d'extrême droite israélien, opposé à un Etat palestinien, insiste-t-il. Et "cela suppose le démantèlement de l'essentiel des colonies, beaucoup de violences, y compris une période de guerre civile en Israël", prévoit l'historien.

"Jamais les deux camps n'ont été aussi éloignés l'un de l'autre, juge de son côté Elias Sanbar. Je ne sais pas ce qui les rapprochera".