La junte birmane, mise au ban depuis le coup d'Etat de 2021, va envoyer un représentant au sommet de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean) pour la première fois en trois ans, a indiqué mardi à l'AFP une source diplomatique.
Le conflit birman, qui s'enlise dans une surenchère de violences entre les généraux au pouvoir et des rébellions issues de l'opposition politique et de minorités ethniques, continue de dominer l'agenda des dirigeants de l'Asean, qui se réunissent à partir de mercredi à Vientiane, capitale du Laos.
Depuis trois ans, la feuille de route de l'Asean pour sortir de la crise reste lettre morte auprès de Naypyidaw, alimentant les critiques autour du bloc de dix pays, parfois considéré comme un forum de discussion sans réel pouvoir, où le consensus prime sur l'efficacité.
Mais la junte birmane, en difficultés dans les combats, pourrait revoir sa position, et se rapprocher des conditions fixées par ses partenaires, a indiqué un diplomate interrogé par l'AFP.
Pour la première fois en trois ans, la Birmanie a accepté d'envoyer un "représentant non-politique", seule présence tolérée par l'Asean lors de ses sommets, les généraux étant bannis depuis octobre 2021.
Aung Kyaw Moe, secrétaire permanent du ministère des Affaires étrangères, a assisté mardi à une réunion des ministres des Affaires étrangères, à la veille du sommet, ont constaté des journalistes de l'AFP.
- Discussions en Indonésie -
"Ils ont peut-être pensé qu'il valait mieux faire entendre leur propre voix plutôt que de rester à l'écart", a déclaré un diplomate d'Asie du Sud-Est impliqué dans les échanges.
Cette décision intervient deux semaines après une invitation surprise de la junte pour cesser le combat et entamer des pourparlers de paix, à destination de ses adversaires. Les groupes interrogés par l'AFP ont rejeté l'offre.
Des combats font rage dans les régions périphériques du pays, où les groupes armés ethniques et les opposants politiques ont gagné du terrain ces derniers mois, à la suite d'un assaut coordonné en octobre 2023 qui a fragilisé les généraux dans des proportions inédites depuis le coup d'Etat, selon les spécialistes.
Le conflit a tué au moins 5.300 civils, provoqué le déplacement de plus de 3,3 millions de personnes, et plus de la moitié de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, selon les Nations unis en septembre.
Des discussions ont eu lieu début octobre à Jakarta à l'initiative de l'Indonésie, impliquant des représentants de l'Asean, de l'Union européenne et des Nations unies, ainsi que l'opposition birmane.
- La paix "rapidement" -
L'Indonésie, la Malaisie et les Philippines font partie des avocats les plus vigoureux d'un durcissement de ton vis-à-vis de la junte, mais l'Asean reste divisée.
La Thaïlande, qui reçoit régulièrement sur son territoire des milliers de Birmans piégés par le conflit, le long de leur frontière commune de 1.800 kilomètres, a appelé à une réponse plus efficace de la part du bloc du Sud-Est asiatique.
"L'Asean doit jouer un rôle crucial pour restaurer la paix en Birmanie aussi rapidement que possible", a déclaré lundi la Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra.
La Chine, l'un des rares soutiens de la Birmanie sur la scène internationale, souhaite aussi qu'un accord soit trouvé pour mettre fin au conflit qui fait rage à sa porte, tout en promettant de rester en dehors de "affaires intérieures" du pays.
Pékin, tout comme les Etats-Unis, le Japon, ou la Corée du Sud, participera à des réunions bilatérales avec l'Asean, prévues jeudi et vendredi.
La mer de Chine méridionale sera un autre sujet prioritaire du sommet, après des mois de confrontations violentes entre des navires chinois et philippins dans cette voie d'eau contestée.
La Chine revendique, au nom de raisons historiques, sa souveraineté sur la quasi-totalité des récifs et îlots inhabités de la mer de Chine méridionale, ignorant une décision de justice internationale selon laquelle ses prétentions ne reposent sur aucune base juridique.