Condamné pour meurtres en 1994, Dany Leprince avance ses arguments pour obtenir une révision

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Dany Leprince, accusé d'avoir tué son frère, sa belle-soeur et deux de leurs filles en 1994 dans la Sarthe, espère obtenir la révision de sa condamnation à la perpétuité: il a fourni de nombreux éléments considérés comme "inédits" avant une première audience en décembre.

Celui qui a été surnommé "le boucher de la Sarthe" "dispose aujourd'hui de faits nouveaux et d'éléments inconnus de la juridiction de jugement de nature à établir son innocence ou à faire naitre un doute sur sa culpabilité", écrivent ses avocats Olivier Morice et Missiva Chermak-Felonneau dans un mémoire de 200 pages, envoyé le 16 octobre à la commission d'instruction de la cour de révision et consulté jeudi par l'AFP.

Ces éléments "n'ont pas vocation à établir la culpabilité d'un tiers, mais bien à faire naître un doute sur la culpabilité de Dany Leprince", 67 ans.

Le 4 septembre 1994, son frère Christian Leprince, sa femme et deux de leurs filles, Audrey 7 ans et Sandra 10 ans, sont retrouvés massacrés à l'arme blanche dans leur pavillon de Thorigné-sur-Dué. Solène, 2 ans, est la seule rescapée.

Dany Leprince, accusé par sa femme Martine Compain, dont il est depuis divorcé, et son aînée, Célia, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1997 pour ce quadruple meurtre.

Il clame son innocence et a déposé, pour la seconde fois, une requête en révision au printemps 2021. Après trois ans d'investigations, la commission d'instruction examinera sa demande lors d'une audience le 12 décembre et dira si elle la transmet ou non à la cour de révision.

Dans une lettre adressée en avril à cette commission et consultée par l'AFP, Solène, 32 ans aujourd'hui, révèle avoir "de sérieux doutes quant à la culpabilité" de son oncle, "au regard des nombreuses incohérences" du dossier et souhaiter "ardemment qu'un nouveau procès puisse avoir lieu pour rechercher la vérité".

- "Palinodie" -

La personnalité de Martine Compain, "formée à l'utilisation de couteaux de boucher", ses "multiples revirements", sa "jalousie maladive" à l'égard de sa belle-soeur et ses liens avec notamment un major de gendarmerie figurent parmi la vingtaine d'éléments nouveaux ou inconnus avancés par la défense de Dany Leprince.

"C'est la même palinodie que l'on répète inlassablement" depuis trente ans, ont fustigé ses avocats, William Bourdon et Colomba Grossi. "Dany Leprince se trompe lourdement en pensant qu'il va réussir à établir son innocence en accablant par tous les moyens et contre le dossier Martine Compain".

Parallèlement, une information judiciaire est ouverte depuis 2014 au Mans après une plainte pour meurtre et complicité de meurtre déposée par le père des fils Leprince.

Dans cette procédure, Martine Compain a été placée sous le statut de témoin assisté le 9 avril. Le parquet a requis sa mise en examen le 27 août, refusée par le juge d'instruction. Une audience devant la cour d'appel du Mans doit se tenir prochainement.

La défense du sexagénaire s'appuie également sur une analyse psychocriminologique de la scène de crime réalisée en 2022 pour la procédure de révision.

"Les similitudes entre le profil psychologique de l'auteur dégagé" par cette analyse et Martine Compain "sont absolument saisissantes", considère le mémoire.

- Le couteau jaune -

L'étude des couteaux cités dans la procédure fait partie de l'argumentaire de la défense.

La feuille de boucher, retrouvée lavée au domicile des parents Leprince et présentée comme l'arme des crimes, "n'a, selon toute vraisemblance, jamais été utilisée pour commettre les meurtres" et "plusieurs armes ont probablement été utilisées", un couteau, une hachette ou une machette.

Une expertise a révélé la présence de l'ADN de Martine Compain sur un long couteau au manche jaune lui appartenant, mélangé à celui de la petite Audrey, ce qui "rend son implication d'autant plus vraisemblable", selon le mémoire.

"Il est totalement inéquitable pour l'exercice de la défense de Martine Compain que soient excipés du dossier de révision des éléments dont nous n'avons pas connaissance", ont fustigé Mes Bourdon et Grossi.

Le mémoire se penche également sur Célia, 15 ans en 1994, qui a livré des versions "remarquablement évolutives" et qui "a décrit une scène à laquelle elle n'a jamais assisté". Elle pourrait être la propriétaire des chaussures taille 41, qui avaient laissé une empreinte sur la scène de crime.

Entendue en garde à vue en février dans le cadre de la procédure du Mans, Célia a à nouveau accusé son père, selon Le Parisien.

"Le flou, c'est que je ne sais pas où est ma mère" lors des faits, aurait-elle néanmoins confié aux enquêteurs.

L'avant-dernière partie concerne les "faux aveux" de Dany Leprince lors de sa garde à vue, partiels et rétractés ensuite, qui ont eu des répercussions sur l'instruction et le procès aux assises en 1997.

"Si, hier les accusations de Martine et Célia Leprince, les aveux de Dany Leprince, et les souvenirs de Solène ont formé l'intime conviction des juges et jurés, aujourd'hui balayés, la condamnation de Dany Leprince est privée de tout fondement et doit être annulée", concluent Mes Morice et Chermak-Felonneau.