Face à des survivants des crimes nazis, le président allemand demande pardon à la Grèce

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Quatre-vingt ans après la fin de la féroce occupation de la Grèce, le président allemand Frank-Walter Steinmeier a demandé jeudi "pardon" pour les crimes nazis dans un village de Crète face à des survivants qui réclament toujours "justice".

"Aujourd'hui je voudrais demander pardon au nom de l'Allemagne", a déclaré, en grec, le chef de l'Etat allemand, à Kandanos, un village de cette île du sud de la Grèce.

Le 3 juin 1941, ce "lieu de la honte allemande" avait entièrement été détruit par les troupes d'Adolf Hitler et 180 habitants tués après que les villageois eurent participé à la bataille de Crète pour tenter d'empêcher l'invasion aéroportée de l'île par les nazis.

- "Chemin difficile" -

"C'est un chemin difficile que de se rendre à cet endroit en tant que président allemand", a-t-il souligné.

"Vous nous avez tendu la main de la réconciliation, et je vous suis profondément reconnaissant", a-t-il renchéri, insistant sur la nécessité de "garder le souvenir de ces événements afin que ce qui s'est passé ne se reproduise pas".

Peu connue en dehors de Grèce, l'occupation nazie de la Grèce (1941-1944) a été parmi les plus sanglantes en Europe marquée notamment par la famine et l'extermination de quelque 90% de la communauté juive.

Premier chef de l'Etat allemand à visiter la Crète, Frank-Walter Steinmeier a été accueilli par des habitants scandant "justice" et "le combat continue".

Alors que M. Steinmeier se recueillait devant le monument aux morts de Kandanos, des survivants et descendants arboraient une banderole sur laquelle était écrit "justice et réparation".

"Nous avons peut-être un certain âge (...) mais peu importe le nombre d'années qui passent, nous (continuerons) à demander réparation de manière équitable", a également martelé Aristomenis Sigelakis, 80 ans, originaire d'un autre village détruit par les soldats du Troisième Reich.

- Epineuse question -

L'épineuse question des réparations de guerre, jamais versées par l'Allemagne, demeure un sujet hautement sensible en Grèce quoi que mis en sourdine à la faveur de l'arrivée au pouvoir du conservateur Kyriakos Mitsotakis en 2019.

"Nous demandons (...) une reconnaissance concrète des crimes odieux commis par l'Allemagne", a expliqué à l'AFP Kalliopi Liadaki dont le père a été exécuté par les nazis.

Pour cette femme de 80 ans, le refus de l'Allemagne de dédommager la Grèce est "inacceptable".

Le président allemand a répété mercredi à Athènes que la question des réparations "était close au regard du droit international" selon l'Allemagne.

Une position que ne partage pas Athènes. La cheffe de l'Etat grec, Katerina Sakellaropoulou, a ainsi estimé que le sujet revêtait "une très grande importance" tandis que le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a jugé ces questions "encore très +vivantes+".

"Nous espérons qu'à un moment donné nous les résoudrons", a-t-il insisté.

A Kandanos, Frank-Walter Steinmeier s'est longuement entretenu avec des survivants parmi lesquels Despina Fiotaki, 97 ans, tout de noir vêtue, qui se souvient de "ces journées noires" dans son village et du déchaînement de brutalité des nazis.

"Les Allemands nous ont brûlés, ils nous ont détruits", a-t-elle témoigné auprès de l'AFP. "Ils ont même brûlé deux personnes qui étaient sans défense sur leur lit et qui ne pouvaient pas s'enfuir".

Dans le village reconstruit, l'une des plaques commémoratives rappelle la pancarte rédigée en allemand et en grec sur laquelle les nazis avaient inscrit: "en représailles à l'assassinat bestial d'une section de parachutistes et d'une demi-section de pionniers par des hommes et des femmes armés embusqués, Kandanos a été détruit".

Le débat acrimonieux autour des réparations de guerre était réapparu au moment de la crise financière entre 2009 et 2018 en Grèce alors écrasée par une dette publique abyssale.

Il y a cinq ans, une commission parlementaire grecque avait même évalué ces réparations à plus de 270 milliards d'euros.

Berlin n'a jamais dédommagé la Grèce et assure que la question a été réglée en 1990 avant la Réunification, par les Alliés (Union soviétique, Etats-Unis, Royaume-Uni, France) et les deux Allemagne.

Il a fallu attendre 2014 et la visite du prédécesseur de M. Steinmeier, Joachim Gauck pour qu'un chef d'Etat allemand demande pardon à la Grèce.