Le gouvernement kényan a annoncé vendredi qu'il prévoyait de réintroduire certaines des hausses d'impôts impopulaires auxquelles il avait renoncé ces derniers mois après des manifestations meurtrières.
Fin juin, le président William Ruto, arrivé au pouvoir en 2022 sur la promesse de défendre les plus modestes, avait retiré un projet de budget contesté dans la rue par un mouvement initialement pacifique, mais qui avait viré au chaos, notamment dans la capitale Nairobi.
Les groupes de défense des droits humains ont dénoncé la répression violente et selon eux disproportionnée et illégale de ces rassemblements, la mort dans ces heurts de plus de 60 personnes et l'arrestation arbitraire de dizaines d'autres.
Le gouvernement, aux prises avec une dette d'environ 80 milliards de dollars, prévoit aujourd'hui de réintroduire certains projets de taxes pour augmenter ses recettes budgétaires, dont des hausses de la TVA et de nouveaux prélèvements sur le secteur numérique.
Cela signifie notamment que les indépendants travaillant dans la livraison de nourriture et pour des applications de covoiturage, une source de revenu qui s'est largement développée ces dernières années, seront pour la première fois assujettis à l'impôt sur le revenu.
Ces nouveaux projets de taxes, qui doivent être bientôt envoyés au parlement, ont été annoncés et détaillés dans un encart gouvernemental explicatif publié vendredi par plusieurs médias locaux.
Ces projets de hausses d'impôts qui risquent de provoquer de nouveaux remous dans un pays où un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
Dans un discours, le président William Ruto a déclaré que le développement du Kenya était "en retard de plusieurs décennies" parce que le pays n'avait pas réussi à augmenter ses recettes fiscales.
"En conséquence, nous ne disposons pas des ressources nécessaires au développement", a-t-il déclaré, en mettant l'accent sur les 850.000 jeunes qui entrent sur le marché du travail chaque année et qui peinent à trouver un emploi.
Il n'a pas abordé les nouveaux projets de loi en particulier, mais a indiqué que le gouvernement avait pour objectif d'augmenter les recettes fiscales de 14% du PIB à 22% en l'espace de dix ans. "Nos mesures fiscales doivent être équitables et chaque entité éligible doit payer", a-t-il déclaré.
Le projet de budget 2024-25 retiré par le gouvernement prévoyait 4.000 milliards de shillings (29 milliards d'euros) de dépenses, un record, financé par des hausses de taxes, notamment sur les carburants.
Par ailleurs, le nouveau vice-président Abraham Kithure Kindiki, qui était ministre de l'Intérieur depuis deux ans, a prêté serment vendredi.
Son investiture ponctue des semaines de feuilleton politique autour de la destitution du précédent vice-président, Rigathi Gachagua, en froid avec le chef de l'État.
M. Gachagua, accusé d'avoir mené une politique de division ethnique et de corruption, a démenti, mais a été destitué par le Sénat le 17 octobre, bien que de dernier l'ait blanchi d'un grand nombre d'accusations.
Homme d'affaires puissant, M. Gachagua avait aidé M. Ruto à remporter une élection serrée en 2022, en ralliant le soutien de la région cruciale du Mont Kenya, en particulier des Kikuyus.
M. Kindiki, universitaire et avocat de 52 ans, également originaire de cette région riche en voix, avait défendu M. Ruto lorsqu'il avait été accusé de crimes contre l'humanité dans le cadre des violences post-électorales de 2007-2008.
Dans son discours d'investiture, M. Kindiki s'est décrit comme "la personne la plus improbable" à la vice-présidence, car il est issu d'un modeste village, en saluant un pays qui peut permettre à "n'importe qui" d'accéder à des postes à responsabilités. Mais "je ne prends pas cela pour un acquis", a-t-il ajouté.
M. Kindiki a été critiqué pour avoir soutenu la police lorsqu'elle a été accusée d'avoir eu recours à une force excessive lors des manifestations de cette année.
"Bienvenue dans l'équipe qui va transformer le Kenya en une grande nation", lui a lancé M. Ruto lors de la cérémonie.
"L'échec n'est pas une option", a ajouté le président, qui a énuméré les projets en cours du pouvoir, pour améliorer notamment l'enseignement supérieur, l'agriculture, la santé, l'éducation et le logement à travers le pays.